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ALBERT KÉCHICHIAN Les Croix-de-feu à l’âge des fascismes

Travail famille patrie

Qui a inventé la devise « Travail Famille Patrie » ? Ce ne sont pas les fondateurs du régime de Vichy en 1940. C’est, entre 1932 et 1934, le colonel de La Rocque, chef des Croix-de-Feu, une association d’anciens combattants décorés pour héroïsme pendant la guerre de 14-18. Cette ligue nationaliste est au cœur des polémiques sur l’existence d’un fascisme authentiquement français. Au nom de leurs sacrifices dans les tranchées, les Croix-de-Feu exigent un gouvernement assez fort pour garantir la sécurité de la France contre l’ennemi allemand, mais aussi contre les « ennemis de l’intérieur », communistes et pacifistes. Pour réveiller le patriotisme et intimider l’extrême gauche, les Croix-de-Feu multiplient défilés et rassemblements de plusieurs dizaines de milliers de militants. Ces attroupements sont organisés dans le plus grand secret et impressionnent par leur mise en scène (milliers de voitures en convois, manœuvres d’avions privés). Les animateurs du Front populaire veulent y voir la préparation d’un coup d’État pour instaurer une dictature fasciste.
En fait, La Rocque veut faire revivre l’Union sacrée de 14-18 pour réconcilier tous les Français au-delà des divisions sociales et partisanes. Les Croix-de-Feu se sentiraient liés par leur code de l’honneur : leurs exploits guerriers pour la victoire les obligeraient désormais à des exploits civiques pour empêcher toute révolution de type bolchevique. Après l’émeute antiparlementaire du 6 février 1934, La Rocque lance ses hommes dans une croisade caritative contre la misère, dans l’espoir de reconquérir la classe ouvrière. Les soupes populaires remplacent peu à peu les démonstrations de force. En 1936, La Rocque refuse toute riposte lors de la dissolution de son « mouvement » par le gouvernement Blum, puis s’intègre au système institutionnel en créant le Parti social français. Finalement, les Croix-de-Feu refusent le totalitarisme fasciste, parce qu’ils ont encore confiance dans la volonté des Français de se sacrifier pour la Patrie.

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Les Croix-de-Feu à l’âge des fascismes
Le sommaire
Table
INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE
La genèse: l’honneur aristocratique
(novembre 1927 – septembre 1931)

Chapitre 1: La sauvegarde des acquis de la Victoire
Un devoir d’intransigeance diplomatique
La haine du pacifisme et de l’internationalisme
La dénonciation des faiblesses du régime parlementaire

Chapitre 2: Cercle de preux ou confrérie de notables?
Le recrutement d’une aristocratie de la bravoure
Une mystique en guise de politique: le code de l’honneur chevaleresque
Une confraternité caritative
Un cercle de notables

Chapitre 3: Privilèges et responsabilités des élites
Une solidarité interne au nom de la fraternité devant la mort
Droits et devoirs des aristocrates selon La Rocque
Une spiritualité séculière: la régénération de l’humanité par la guerre?
Le patronage notabiliaire contre le «gigantisme» et l’«étatisme»

Chapitre 4: Organisation ou inorganisation?
La mesquinerie des querelles internes
Une apathie, source d’absentéisme
Le manque d’un horizon d’action

Chapitre 5: Un rôle d’«immixtion» en politique
La légitimation d’une ingérence en politique: pureté et abnégation
Les censeurs vigilants de gouvernants pusillanimes
Les déconvenues des convergences protestataires entre nationalistes
L’apprentissage de l’agitation et de l’intimidation

Chapitre 6: Une milice supplétive contre l’Anti-France?
Réagir contre la subversion «bolchevique» et l’invasion «métèque»
Une riposte contre-révolutionnaire au péril de «guerre civile»
Les potentialités paramilitaires: des «groupes francs» aux «dispos»

DEUXIÈME PARTIE
La métamorphose: l’apostolat vers les masses
(septembre 1931 – 6 février 1934)

Chapitre 7: Adjuvant militant ou aiguillon intransigeant?
Un soutien logistique pour le service d’ordre de ministres modérés
La Rocque a-t-il émargé aux fonds secrets?
Les dérives vers la xénophobie et l’antisémitisme
Une vigilance antidéfaitiste implacable

Chapitre 8: Réconcilier progrès et hiérarchie:
«Travail Famille Patrie»
L’éducation patriotique comme préalable à toute politique
Une vocation missionnaire: la «réconciliation» nationale
Un recrutement tous azimuts: la forme «mouvement»
L’invention de la devise: «Travail Famille Patrie»

Chapitre 9: La morale contre le dirigisme
et la rationalisation en économie
Des préceptes moraux contre la gangrène financière
Le danger des carcans étatiques pour l’initiative entrepreneuriale
Protéger la production nationale sans engrenage réglementaire
La discipline professionnelle par la morale de l’ascétisme

Chapitre 10: Une implication arbitrale
dans les élections législatives de 1932
Un rôle de censeurs des mœurs électorales?
Les ambiguïtés d’un «arbitrage» électoral selon la morale patriotique
Des soutiens sélectifs et réticents à quelques notables de droite
Pérenniser une influence au Parlement?

Chapitre 11: Le «sabotage» des manœuvres séditieuses
Le mépris pour la démocratie: le salut par un «guide»
Les ambiguïtés de l’appel à la violence: se battre ou attendre?
Le «sabotage» musclé des réunions adverses

TROISIÈME PARTIE
L’engrenage: mobiliser pour dépolitiser
(6 février 1934 – décembre 1935)

Chapitre 12: L’émeute du 6 février 1934 et ses fantasmes
La légende d’un complot contre la République
Au 6 février: un coup de semonce autonome

Chapitre 13: La simulation de la guerre civile
L’engrenage de l’intimidation: les branle-bas de combat mimés
L’engrenage de la dissuasion: les menaces verbales inconsidérées
L’engrenage de la dissolution: l’épouvantail du Front populaire

Chapitre 14: Les Croix-de-Feu d’Algérie et les juifs
La légende d’une responsabilité dans les massacres du 5 août 1934
L’engrenage meurtrier des haines entre musulmans et juifs
L’antijudaïsme bouclier de la suprématie des européens

Chapitre 15: Contre la République parlementaire
Un régime d’autorité pour remplacer la démocratie du suffrage
Pour un régime autoritaire, mais pas totalitaire
Un État fort pour une diplomatie de la force
L’arbitrage aux élections locales en 1934 et 1935

Chapitre 16: Les préceptes de la morale traditionaliste
La sagesse de la résignation contre les utopies de la planification
Les modèles ancestraux pour la formation du caractère des chefs
La Rocque et la scission des «maréchaux»:
traditionalisme social contre révolution nationale

Chapitre 17: Réincorporer les ouvriers dans la Nation
La conversion des prolétaires par le ralliement
aux revendications progressistes
La communion des cœurs contre la rationalisation industrielle
Un service public sans l’État
L’honneur du métier au cœur de la «profession organisée»
Un apostolat de charité pour les militantes et les militants 291

QUATRIÈME PARTIE
L’impasse: la polarisation partisane
(décembre 1935 – juin 1936)

Chapitre 18: Chronique d’une dissolution annoncée
La journée des dupes du 6 décembre 1935:
le mirage du «baiser Lamourette»
La boîte de Pandore de la dissolution: l’hallali contre le félon supposé
Les ultimes soubresauts de l’agitation violente

Chapitre 19: Des corporations au service du progrès?
L’épanouissement de la personne dans les affinités électives
L’équité sociale commandée par l’honneur professionnel
Le bien-être matériel grâce à la lutte de classes ou la «réconciliation»?

Chapitre 20: Le don, fondement du lien social?
Des missionnaires envoyés vers les pauvres:
du don caritatif au contre-don militant
Le repli vers les bonnes œuvres: paravent ou métamorphose?
La conversion à la bureaucratie de la bienfaisance
Chapitre 21: Sous l’écorce ligueuse, la sève partisane?
Un maillage de cellules militantes pour s’infiltrer dans la société entière 350
L’arbitrage électoral aux législatives de 1936:
un rôle subsidiaire aux ambitions rédemptrices
L’échec du rempart militant contre le Front populaire:
le placebo de la moralisation
Le «mouvement»: un parti «à l’état latent»?

CONCLUSION

SOURCES
BIBLIOGRAPHIE
INDEX DES NOMS
TABLE DES MATIÈRES

Biographie

Albert Kéchichian, agrégé d’histoire, docteur en histoire contemporaine, est enseignant titulaire à l’Institut d’Études politiques de Paris (Sciences Po).

Les croix de feu à l'âge des fascismes – Albert Kéchichian 2006