Champ Vallon

Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

ANNE SERRE Les gouvernantes

Récit

Ce sont «les gouvernantes». Elles sont trois, dans une grande maison au fond d’un parc, comme des reines, protégées du monde extérieur par des grilles d’or. Tour à tour follement gaies, tendres ou cruelles, mais toujours ardentes et puissamment vivantes, elles s’allient, se séparent, se déchirent ou se poursuivent dans d’étranges jeux qui sont ceux de la vie. Observées par l’œil implacable d’une lunette qui ne les perd pas de vue, «les gouvernantes» jouent pour nous le charme et la magie d’un songe de nuit d’été…

Revue de presse

Les gouvernantes
L’extrait de pressse

Le Monde
(13 mars 1992)
Enchanteresses gouvernantes

« Les états d’âme autobiographiques » ne sont point l’affaire d’Anne Serre. Elle préfère, pour évoquer les désarrois et les mirages de l’existence, emprunter les chemins de l’imaginaire.
Née en 1960, elle a publié diverses nouvelles dans des revues, dont la NRF et Obsidiane et signe, avec les Gouvernantes, son premier récit. L’histoire, d’un abord classique, a tôt fait de bousculer nos somnolentes habitudes : trois gouvernantes, dont la fantaisie n’a d’égale que la beauté, vivent dans une grande maison au fond d’un parc. Autour d’elles, gravitent de curieux personnages, qu’elles ont charge d’enchanter.
Ainsi, M. et Mme Austeur, leurs employeurs, un couple aux « amours finissantes » et puis « les petits garçons » qui, de temps à autre, rappellent les gouvernantes à leur vocation première ; viennent encore « les petites bonnes » au rôle plus incertain et, enfin,  » le vieux monsieur » à la lorgnette, qui, d’un œil avide, observe les agissements de chacun. « Dans cette maison, dans ce parc », où  » rien ne peut étonner », nous suivons les fils ambigus qui, tour à tour, relient ou divisent les protagonistes.
Le monde, soudain, semble se résumer ici, dans ce théâtre de marionnettes aux allures de conte de fées. Au travers des frasques rêveuses des gouvernantes, se dessinent ces sentiments que nous nous efforçons d’étouffer lorsque avec trop d’insistance ils viennent importuner nos vies hâtives; ainsi, la nostalgie d’existences que nous ne vivrons jamais, ou encore l’inquiétude que peuvent susciter la précarité et la pesanteur de nos relations avec nos semblables. Sous la plume lisse d’Anne Serre, ces obscurs mouvements de l’âme s’enflamment et se démasquent, tantôt surgissant de chaque recoin du parc, tantôt restant tapis dans l’ombre d’un feuillage, comme pour mieux suggérer l’étendue de leurs secrets.
Mais le pouvoir singulier de ce livre, c’est aussi de provoquer l’imagination. Il arrive que l’on ait envie de marier Julien Sorel avec Mme Bovary. Ici on a envie d’associer les gouvernantes à Alice. Et l’on se prend à rêver le début de l’histoire… Lassées par le sombre destin que la littérature a coutume de leur réserver, nos héroïnes se révolteraient. Délaissant leurs habits de grisaille, elles revêtiraient des jupes rouges, jaunes et vertes, de celles qui claquent au vent et se soulèvent sans plus de manières à l’approche d’un homme. Puis, dédaignant les pauvres demoiselles de Maupassant, n’accordant pas un regard à « l’accompagnatrice » de Nina Berberova, elles rejoindraient Alice, accompagnée d’un lapin indiquant la route  » du pays où l’on n’arrive jamais « .
Après maints remerciements, et non sans avoir adressé des baisers à Alice, les gouvernantes prendraient congé. A mi-chemin, elles croiseraient une horde de petits garçons qui, aussitôt, s’éprendraient d’elles et les mèneraient dans une grande maison au fond d’un parc. Là-bas, elles rencontreraient M. et Mme Austeur, les petites bonnes et le vieux monsieur. Bien sûr, elles succomberaient à la grâce des lieux ; bien sûr, elles supplieraient leur auteur de les y laisser, au moins le temps d’un récit. Et Anne Serre n’est sans doute pas le genre de romancière à décevoir ses personnages.
Florence Sarrola

 

Anne Serre est l’auteur d’une quinzaine de romans dont Les gouvernantes (Champ Vallon, 1992), Petite table, sois mise ! (Verdier, 2012), Les débutants (Mercure de France, 2011) ou Voyage avec Vila Matas (Mercure de France, 2017). Relevant d’une sorte de réalisme magique, jouant avec les limites des genres littéraires, plusieurs de ses romans sont aujourd’hui traduits en Espagne, aux Etats-Unis et en Angleterre.
Un large extrait de son nouveau texte, un conte d’environ 50 pages, Grande tiqueté, a paru dans le quotidien en ligne, AOC (19/2/2019). Anne Serre dit que c’est le premier texte qu’elle a écrit « pour le dire », ou pour qu’il soit dit par des comédiens. Que c’est avant tout un texte oral. Elle a fait à plusieurs reprises des lectures publiques de ses livres, et notamment une lecture exhaustive de son autre conte, Petite table, sois mise !, avec Marie-Armelle Deguy (Au Centre Pompidou, 17 mai 2014). Granta vient de publier un texte sur « comment j’écris mes livres ». https://granta.com/how-i-write-my-books/

Gouvernantes (Les) – Anne Serre 1992