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Arnaud | GUINIER

Au lendemain de la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748), la France s’engage dans une réforme de son appareil militaire que les défaites de la guerre de Sept ans viennent accélérer et qui se poursuit jusqu’à la Révolution. Dominées par la volonté d’améliorer l’efficacité de l’armée française, ces transformations aboutissent à une emprise sans précédent sur les corps des soldats, plus que jamais réduits au rang d’automates. Cette évolution favorise par contrecoup une réflexion nouvelle, menée en particulier par les officiers français, afin de substituer à la seule contrainte mécanique le principe d’une discipline consentie fondée en particulier sur la mobilisation d’un sens de l’honneur reconnu au soldat. À travers la mobilisation des corps, c’est ainsi le statut moral et politique de l’homme du rang qui est finalement repensé.

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L’honneur du soldat: éthique martiale et discipline guerrière dans la France des Lumières (1748-1789)

Le sommaire

INTRODUCTION

PREMIÈRE PARTIE
Ordre tactique ou tactique de l’ordre ?

Chapitre 1. Cohésion et mouvement : une difficile conciliation

1. De l’art des dispositions
2. En avant, marche…
3. Régler le tir
4. La vitesse : paradoxe d’un nouveau paradigme

Chapitre 2 : La tactique, une science exacte ?

1. « Une démonstration de géométrie »
2. Les aléas de la pensée mécaniste
3. Expérience et mathématisation empirique
3. Insuffler le courage ou maîtriser la peur ?

Chapitre 3 : Tactique et culture

1. Theatrum belli
2. L’idéal du « paraître discipliné »
3. L’économie du risque

Chapitre 4 : Du primat de l’ordre à celui du mouvement : une mutation paradigmatique à la veille de la Révolution

1. Une question d’échelle
2. L’ambition d’une guerre de mouvement
3. Tactique régulière et petite guerre :
des influences croisées
4. Le sentiment du fer
5. Au-delà de la tactique : le poids nouveau des passions

DEUXIÈME PARTIE
Dresser les corps

Chapitre 5 : Modeler les corps au gré des exigences tactiques

1. Disposer les corps
2. Manier son arme
3. Apprendre à marcher

Chapitre 6 : Dynamiser les corps

1. La raideur ou la grâce
2. Corps naturel, corps dynamique ?
3. De la belle posture à la bonne position : spécificité du corps cavalier
4. Développer les compétences individuelles
5. Endurcir les corps

Chapitre 7 : Du dire au faire :
l’enjeu des modalités pratiques de l’exercice

1. Cadre, rythme et acteurs
Organiser l’apprentissage
Le pain quotidien du soldat
De l’importance des instructeurs
2. Le poids des contraintes matérielles
S’exercer sans poudre ni balles
Salles d’exercice et manège : des infrastructures inégales
Des exigences foncières grandissantes
Au-delà des contraintes matérielles, le poids des stratégies individuelles
3. L’inlassable quête de l’uniformité
Du règlement à la pratique : une affaire d’interprétation
La tentation d’une formation centralisée
L’avenir est dans les camps

Chapitre 8 : Vers un nouvel idéal pédagogique

1. Du bon usage des automatismes
2. La recherche d’une emprise indirecte
3. Pouvoir de la norme et exercices joyeux

TROISIÈME PARTIE
Repenser l’obéissance

Chapitre 9 : L’ambition d’une discipline morale

1. Le rejet de l’universalisme disciplinaire
2. Concilier honneur et discipline
3. La part la plus vile de la nation : la question du recrutement
4. La discipline comme projet d’éducation
Le siècle du sensualisme
De la possibilité de nécessiter le soldat aux actions héroïques
Le rêve d’une éducation précoce et étatique
Un matérialisme moins philosophique que pragmatique

Chapitre 10 : Un nouveau droit de punir

1. L’arbitraire, instrument d’une justice circonstanciée
Le flou juridictionnel
Le poids des châtiments extra-judiciaires
Une pédagogie de l’exemple
2. La défense d’un nouveau régime de juridicité
De la loi des despotes au despotisme de la loi
De l’arbitraire confisqué à l’arbitraire contesté : action et limite de la politique royale
3. Repenser l’infamie : la matrice de la désertion
La punition des déserteurs en débat : critiques et projets de réforme
Nommer l’infâme : un enjeu politique
4. De la punition corporelle à la peine d’opinion :
l’enjeu des sanctions disciplinaires
Honneur et punitions corporelles  une impossible conciliation ?
De la privation de liberté aux peines d’opinion, la recherche de sanctions disciplinaires alternatives

Chapitre 11 : Du contrôle à l’émulation  :
repenser le lien communautaire

1. Un individu isolé
Livrer le soldat à toute la sévérité des lois
Cloisonner les corps, contrôler les flux
De l’identification à l’individuation
2. Entre esprit de corps et insertion nationale :
l’idéal d’un contrôle intériorisé
Ne faire qu’un des volontés individuelles : l’enjeu de l’esprit de corps
Du cloisonnement à l’insertion : le nouvel idéal du soldat-citoyen
3. Une nouvelle communauté morale
L’impossible résurrection de la foi
La virilité comme injonction
Amour de la gloire et esprit de sacrifice

Chapitre 12 : Les ressorts de l’émulation :

1. Réhabiliter le militaire
Améliorer les conditions du service
Récompenser l’ancienneté
Naissance des héros subalternes
2. La récompense comme facteur de mobilisation individuelle
Se distinguer en temps de paix
Se distinguer en temps de guerre
Valoriser le sacrifice anonyme : poids des blessures et récompenses collectives
3. L’avancement, une forme possible d’émulation ?
Le soldat juge de ses pairs : la question de l’élection
Une ouverture en trompe-l’œil : l’accès à l’épaulette

CONCLUSION
De l’honneur du rang au citoyen-soldat

ÉPILOGUE
Du citoyen-soldat au soldat-citoyen :
retour aux Lumières ?


Revue de presse

L’honneur du soldat: éthique martiale et discipline guerrière dans la France des Lumières (1748-1789)

L’Histoire avril 2012

Soldat-citoyen

C’est de la construction de l’individu moderne, sujet situé dans un équilibre fragile entre contrainte et liberté, qu’Arnaud Guinier traite dans ce travail qui innove en réintroduisant un paradigme militaire qui faisait jusqu’ici cruellement défaut à ce sujet profondément politique. Sous la plume des officiers de la France des Lumières, la critique de l’idéal triomphant d’une armée-machine faite de soldats-automates aux corps dressés et à l’obéissance passive, inspiré d’un modèle prussien mythifié, donna naissance à une nouvelle conception disciplinaire, fondée sur une formation morale du soldat, d’où découlerait son adhésion volontaire aux impératifs disciplinaires nécessaires à un ordre tactique renouant avec la vitesse et le mouvement. La confrontation de ces deux modèles résultant de nouvelles préoccupations tactiques façonne alors l’idéal d’un soldat-citoyen, dont l’honneur constitue le nouveau fondement.
En montrant que ce modèle fut une des conditions de la rupture révolutionnaire qui forgea à son tour le nouvel idéal de citoyen-soldat, dont l’enjeu était désormais de contraindre un individu souverain, ce travail remarquable met en lumière les origines militaires de la Révolution française.

Honneur du soladt (L') – Arnaud Guinier 2014