Champ Vallon

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Jean-Claude | CARON

À lire les multiples biographies qui lui sont consacrées, Van Gogh reste l’objet de représentations que tout oppose : tantôt on en fait une victime de la société, tantôt un manipulateur ; mais aussi un individu formant avec son frère Theo un couple de spéculateurs, misant sur le succès final de sa production ; ou encore un anarchiste et un anticlérical.

Fondé sur sa correspondance, cet ouvrage se propose d’entendre la voix même de Vincent et de saisir la personnalité complexe d’un homme vivant dans une époque dont il questionne les mutations. Dans ses lettres, notamment celles à son frère Theo, il évoque sa passion pour la lecture et l’éclectisme de ses goûts littéraires, son rêve d’une communauté artistique dont il serait l’initiateur, sa relation à sa terre d’accueil, la France, mais aussi à d’exotiques terres imaginaires, sa vision mythifiée d’un passé révolu et regretté comme d’un futur à la fois espéré et redouté. Mais aussi sa foi chrétienne virant au mysticisme puis au doute, sa relation à la nature avec laquelle Dieu finit par se confondre, son besoin inassouvi d’amour et sa vaine quête d’une femme avec qui faire couple.

Ces lettres à la tonalité autobiographique et romanesque révèlent le moi profond d’un homme qui, confronté à l’absence de reconnaissance de sa production artistique, se vit comme une sorte de paria de la société qui n’a pourtant de cesse d’espérer en un avenir meilleur.

 

Jean-Claude Caron est professeur émérite d’histoire contemporaine à l’Université Clermont Auvergne et membre honoraire de l’Institut universitaire de France.  Parmi ses publications chez Champ Vallon, Les Deux Vies du général Foy (1775-1825). Guerrier et législateur, 2014 et Simon Deutz, un Judas romantique, 2019.

Van Gogh

En révélant à Adolphe Thiers au printemps 1832 la cachette de la duchesse de Berry, clandestine depuis l’échec du soulèvement de la Vendée, Simon Deutz devient instantanément la réincarnation de Judas, « l’homme qui a livré une femme » que stigmatise Victor Hugo. Mais au moment de sa trahison, ce fils du grand-rabbin de France est catholique, depuis sa conversion à Rome en 1828. Devenu un paria dans son propre pays, il s’exile en 1842 à La Nouvelle-Orléans où il meurt sous le nom de Sylvain Delatour.

C’est l’histoire de ce parcours, qui commence en Allemagne en 1802 et s’achève en Louisiane en 1844, qu’on retrace ici : celle d’un homme aux identités multiples dans la France postrévolutionnaire. Incarnation du « traître juif » avant que Dreyfus ne le supplante, Deutz cristallise l’émergence d’un antijudaïsme multiforme et devient de son vivant l’objet d’une « légende noire ». En mobilisant la figure de Judas, les nombreux opposants à la monarchie de Juillet entendent aussi mettre en accusation ceux qui ont eu recours à la trahison de Deutz pour capturer la duchesse de Berry : Adolphe Thiers, ministre de l’Intérieur, et le roi Louis-Philippe.

Si ce nouveau juif errant meurt oublié en exil, la littérature perpétue sa mémoire en en faisant, sous son nom ou sous des noms d’emprunt, l’archétype du traître littéraire dont on souligne à l’envi la judéité.

Légitimée à défaut d’être légalisée, l’insurrection est un recours possible. Elle comprend des degrés qui permettent d’ouvrir un large spectre à ses différentes manifestations. Entre sens propre et sens figuré, le mot couvre en effet des contestations très variées de formes d’autorité non moins variées. Les contributions réunies dans ce volume prennent en considération celles qui ont une couleur politique et sociale. Leur ampleur chronologique, spatiale et numérique est variable, mais toutes s’inscrivent dans une volonté de contester un pouvoir établi ou une autorité dont on remet en cause la légitimité ou la légalité.

L’insurrection suggère l’emploi de la violence armée. Elle s’accompagne d’images récurrentes parmi lesquelles la barricade occupe une place centrale. Elle incarne le triomphe de l’occupation de l’espace public par des forces politiques qui, s’opposant au pouvoir en place et, depuis l’avènement de la démocratie parlementaire, aux formes légales d’opposition, entendent s’en affranchir. En ce sens, la chose insurrection existe avant que le mot n’apparaisse. Attesté depuis la fin du xive siècle, soumis à des éclipses plus ou moins durables, le mot n’a jamais déserté totalement le vocabulaire politique. Et sa dimension parisienne, sans être exclusive, est prépondérante dans l’espace français.

Certaines séquences ont particulièrement nourri cet imaginaire de l’insurrection, relayées jusqu’à nos jours par une représentation historique qui a mis longtemps à déconstruire la légende pour formuler un discours fondé sur une lecture critique des sources. D’Étienne Marcel à Mai 68 en passant par les guerres de Religion, la Fronde, les journées révolutionnaires, de 1789 à la Commune de Paris, ou le soulèvement d’août 1944, la séquence insurrectionnelle apparaît propice à la production de récits partisans, soucieux de s’emparer de l’événement pour l’enraciner dans la mémoire collective.

Héritière de la Révolution de 1789, la France du XIXe siècle se déchire à intervalles réguliers, accréditant l’image d’une nation vouée à la guerre civile. L’insurrection de juin 1848 et la Commune de Paris (1871) sont les pics de ces affrontements révélateurs de profondes divergences idéologiques.
Ce livre explore la façon dont cette lutte fratricide alimente la vie politique française, interroge la société sur sa capacité à dépasser ses divisions, suscite des peurs, instrumentalisées pour discréditer l’adversaire. On réactive des événements (guerres de Religion, Terreur) qui inscrivent la guerre civile dans un registre archaïque, ce qui permet au vainqueur d’user de violences extrêmes envers le vaincu.
Mais une question reste en suspens : le « (re)vivre ensemble » est-il possible au terme de l’affrontement ?