Champ Vallon

Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Jean-Claude (dir.) | CARON

Légitimée à défaut d’être légalisée, l’insurrection est un recours possible. Elle comprend des degrés qui permettent d’ouvrir un large spectre à ses différentes manifestations. Entre sens propre et sens figuré, le mot couvre en effet des contestations très variées de formes d’autorité non moins variées. Les contributions réunies dans ce volume prennent en considération celles qui ont une couleur politique et sociale. Leur ampleur chronologique, spatiale et numérique est variable, mais toutes s’inscrivent dans une volonté de contester un pouvoir établi ou une autorité dont on remet en cause la légitimité ou la légalité.

L’insurrection suggère l’emploi de la violence armée. Elle s’accompagne d’images récurrentes parmi lesquelles la barricade occupe une place centrale. Elle incarne le triomphe de l’occupation de l’espace public par des forces politiques qui, s’opposant au pouvoir en place et, depuis l’avènement de la démocratie parlementaire, aux formes légales d’opposition, entendent s’en affranchir. En ce sens, la chose insurrection existe avant que le mot n’apparaisse. Attesté depuis la fin du xive siècle, soumis à des éclipses plus ou moins durables, le mot n’a jamais déserté totalement le vocabulaire politique. Et sa dimension parisienne, sans être exclusive, est prépondérante dans l’espace français.

Certaines séquences ont particulièrement nourri cet imaginaire de l’insurrection, relayées jusqu’à nos jours par une représentation historique qui a mis longtemps à déconstruire la légende pour formuler un discours fondé sur une lecture critique des sources. D’Étienne Marcel à Mai 68 en passant par les guerres de Religion, la Fronde, les journées révolutionnaires, de 1789 à la Commune de Paris, ou le soulèvement d’août 1944, la séquence insurrectionnelle apparaît propice à la production de récits partisans, soucieux de s’emparer de l’événement pour l’enraciner dans la mémoire collective.

Paris, l'insurrection capitale Caron 2015

Assiste-t-on, autour de 1830, à la première révolution européenne ? De la France à la Belgique, de la Pologne à l’Italie centrale, des États allemands à la Suisse, une bonne partie de l’Europe connaît une impressionnante série de mouvements insurrectionnels et révolutionnaires, inégalement achevés. Rarement pensés ensemble, ces mouvements font ici l’objet d’une approche inédite.
Ce livre collectif propose de confronter des historiographies nationales jusque-là cloisonnées (française, belge, polonaise, italienne, allemande, suisse, britannique, espagnole). À l’heure de l’histoire globale, il s’efforce de penser des circulations révolutionnaires, d’exhumer des mobilisations transnationales, sans négliger les échecs et les tensions sociopolitiques à l’œuvre. Rompant alors avec la linéarité d’une histoire qui glisserait insensiblement d’une révolution à l’autre (1789-1830-1848), il permet d’interroger les sens perdus de ce « moment 1830 ». Les circulations humaines, symboliques et politiques décrites ici ont créé les conditions de possibilité d’un nouvel imaginaire de l’Europe des peuples. Ce nouvel imaginaire s’est pourtant heurté à une glaciation rapide du processus révolutionnaire.
Autant de questions d’une stimulante actualité à l’heure des révolutions arabes.

Textes de S. Aprile, A. Arisi-Rota, A. Baranska, F. Bensimon, W. Bruyère-Ostells, j.-C. Caron, D. Diaz, E. Fureix, N. Jakobowicz, J.-P. Luis, I. Herrmann, M. Meriggi, J. Schmidt-Funke, E. Witte…

Lire des extraits de presse

LE MONDE (21 juin 2013)

1830 de tous les pays

Ce livre novateur met en évidence le caractère transnational, en l’occurrence européen, des révolutions de 1830. Comme dans le cas des Révolutions atlantiques de la fin du XVIIIe siè­cle et du Printemps des peuples de 1848, des idées, des répertoires d’action et des personnes, ont circulé autour des embrasements de 1830, entre autres en France, dans les Etats italiens et allemands non encore unifiés, en Suisse, dans la Belgique naissante ou encore la Pologne. Le plus intéressant est de constater que les contemporains ont eu constamment à l’esprit «la conscience d’une possible révolution euro­péenne » dans un continent soumis au pesant système issu du congrès de Vienne (1814-1815). Dans de courts chapitres, les auteurs s’interro­gent sur la place de 1830 dans les mémoires et les historiographies nationales et mettent en évidence les débuts d’un « espace public trans­national». Révolutions de la jeunesse, révolu­tions populaires et révolutions de la liberté, les insurrections de 1830 restent d’ac­tualité aussi bien dans des pays arabes qui ont connu un prin­temps bientôt gelé que dans une Europe quelque peu déprimée.

Pierre Karila-Cohen

NATIONAL GEOGRAPHIC HISTOIRE (novembre 2013)

1830 de tous les pays

Il y a plus de deux siècles, les révolutions n’étaient pas « arabes », mais « européennes ». Dirigé par trois spécialistes reconnus, ce livre pose un nouveau regard sur celles qui secouèrent de nombreux pays autour de 1830. Les connaît-on bien, ces révolutions ? Trop rarement lues ensemble, trop souvent pensées comme de simples transitions entre les « révolutions atlantiques » de la fin du XVIIIe siècle et le « printemps des peuples » de 1848, les révolutions de 1830 furent pourtant un moment clef de l’histoire dans lequel il est peut-être possible de voir la « première révolution authentiquement européenne » (Emmanuel Fureix). Exposée de manière nuancée, cette hypothèse est examinée au fil de la vingtaine d’articles qui rythment la lecture, déclinant des questions simples et essentielles : quels débats ces révolutions ont-elles provoqués ? Quels legs ont-elles laissés à l’histoire politique européenne ? Vécues dans un même moment sans être imposées par les armes, ces expériences révolutionnaires furent-elles pour autant les mêmes dans chaque pays ? Durement réprimées et souvent mises en échec, ces mobilisations n’en forgèrent pas moins un nouvel imaginaire politique fondé sur l’idée de liberté, mais aussi sur celle de fraternité des peuples d’Europe. « Nous voulons faire une révolution pour nous », faisait-on dire en 1831 aux ouvriers lyonnais : édité par l’exigeante maison Champ Vallon, ce livre permet de réévaluer l’importance de ce moment de conflictualité politique et sociale que furent les révolutions de 1830 dans l’émergence d’une conscience européenne, au début d’un siècle qui n’était pas nécessairement destiné à devenir celui des affrontements nationalistes.

Guillaume Mazeau