Jean-Paul | GOUX

Après la disparition de Claire, une artiste qui dessinait d’innombrables ciels et les formes  mouvantes et éphémères des arbres et des nuages, Thibaud cherche le moyen de garder vivante l’œuvre de sa compagne : il invite chez lui deux jeunes amis pour leur confier ce qui l’habite désormais. Et ce n’est donc pas sous le sceau de la mélancolie, qui tient « enclos dans l’impuissance de l’irréversible », que s’écrit ce roman, mais bien sous celui de la nostalgie qui apprend «  à inventer l’avenir ». Tout dans ce roman est appel au vivant, au désir du vivant, sensible dans les descriptions de la beauté harmonieuse de la maison et de son jardin, dans le calme et l’isolement des lieux, dans la ferveur qui habite les personnages du roman, et le désir profond de ce qui peut naître ou renaître autrement, dans la ferveur et la beauté d’une écriture prêtant infiniment attention « aux formes infinies du monde naturel. »

Annie Clément-Perrier

 

Né en 1948, Jean-Paul Goux est l’auteur d’une œuvre littéraire d’exception. À la lisière vient après Tableau d’hiver (Champ Vallon, 2021).

«De telles pensées, ces pensées vivantes de votre absence, je devais apprendre à vivre avec elles, comme j’apprenais à vivre seul avec votre maison. ». Le roman de Jean-Paul Goux s’écrit avec délicatesse autour de la mort de Claire, compagne de Thibaud le narrateur, et artiste qui dessinait  au crayon et au fusain des nuages et des arbres contemplés par la fenêtre de leur appartement parisien, mais surtout de sa maison Au milieu des bois. Une maison dans laquelle Thibaud veut peu à peu réapprendre à « habiter le temps ».  Or, cette maison offre un espace dans lequel s’est déposé et se dépose le temps, temps passé avec Claire,  temps présent dans lequel écrit Thibaud , et  temps d’un futur désirable , lorsque Thibaud redécouvrant l’atelier et la beauté de l’œuvre de Claire,  invente pour elle un projet que le temps du livre laisse ouvert.  Comment ce roman né de la douleur et de la solitude, puisque Thibaud s’adresse à ses amis et à Claire disparue, comment ce roman peut-il devenir pour le lecteur une telle ode à la beauté du monde, à sa représentation dans l’art, une telle ode au vivant ?

                                                                                                                      Annie Clément-Perrier.

Ancien maitre de conférences à l’Université de Tours, il a été pensionnaire de la Villa Médicis à Rome. Son dernier livre Sourdes contrées a été publié aux mêmes éditions. La plupart de ses autres livres ont paru ou ont été réédités chez Actes Sud.

« Au soir de ce jour-là, j’ai résolu de garder une trace de ce qui arrivait, qui avait commencé, sans que je sache vraiment ce qui avait commencé. » C’est une réflexion intime, tout intérieure que « note » le narrateur de ce roman au charme puissant qui interroge le « colombier de la mémoire », cette volière d’où s’échappent trop souvent les pigeons du souvenir. Après tant d’années riches de leurs mémoires partagées, Vivien est profondément troublé lorsque Julie, sa compagne architecte, évoque des souvenirs très précis de chantiers qui n’ont pour lui aucune réalité, et qu’il met en doute. Le monde clos de leur entente amoureuse et intellectuelle ouvert sur le jardin et ses ciels se fragilise, soudain menacé par la traversée inquiétante de ces « sourdes contrées » que fabrique à notre insu le Temps qui passe. Qu’il s’agisse d’un être ou d’un projet d’architecture, quelle est la réalité de nos souvenirs dès lors qu’ils sont aussi nourris de nos rêves et de nos rêveries ? ce sont ces troublantes confusions que scrute Jean-Paul Goux dans ces « notes » teintées d’une mélancolie non dénuée d’ironie, et dans une langue somptueusement poétique.

Annie Clément-Perrier

« Les trois critères essentiels par lesquels Valéry définissait la spécificité du poétique : la fabrique de la liaison, la fabrique de l’énergie et du mouvement, et la fabrique de la voix, me paraissent tout aussi bien au cœur des exigences littéraires de certaines proses romanesques. Telle est la première strate de ce livre : une réflexion sur la fabrique du roman, à laquelle se superpose une réflexion plus proprement esthétique, où sont posées ces valeurs d’écriture que voudrait saisir l’expression de continu. Le « continu » n’est pas un concept, mais une image privilégiée par laquelle, en la faisant jouer de toutes les manières, je me suis attaché à cerner des valeurs esthétiques dans la prose romanesque: par là, ce livre prend sa place dans le débat contemporain sur le genre romanesque. S’il ne polémique pas, il dessine un territoire d’affinités, au milieu duquel j’écris. En termes esthétiques, le roman est ainsi conçu comme un « art du temps », qui cherche « des réponses aux questions et aux angoisses de l’homme devant la temporalité » et qui pose comme une valeur essentielle la dimension de la continuité temporelle dans l’œuvre. En termes de réflexion sur lafabrique romanesque, le roman est considéré dans son œuvre contre le temps, son œuvre avec le temps et son œuvre dans le temps : c’est selon ces trois aspects que sont envisagés la liaison, l’énergie, le rythme, la syntaxe et la voix dans la prose romanesque.»

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AVANT-PROPOS 7
LA LIAISON 15

I. La continuité 17
Une question d’esthétique 17
II. La composition 25
La mise en ordre: philosophie de la composition 25
Le tout et la partie 29
III. L’enchaînement et la cohésion 36
Enchaînement narratif et enchaînement romanesque 36
Travail de la mémoire 43
IV. La transition et l’épaisseur 50
La transition comme souci 50
Modalités du passage 53
La toile et l’épaisseur 64
V. La phrase et la syntaxe 67
Le souci de la phrase 67
L’objet du désir 72
L’ÉNERGIE ET LE MOUVEMENT 77

I. La centrale 79
La pulsion 79
Image, rêverie, mémoire 83
II. Le rythme 90
Élan-posé 90
La perception dans le rythme 96
III. L’emportement 105
L’allant: orientation, traction 105
L’allant: la description 120
L’allant: la syntaxe 127
Le transport 133

LA VOIX 143

I. «La peau de la voix» 145
Pour s’éclaircir la voix 145
«Certaines propriétés propres à faire de certains effets» 150
II. La voix de la prose 159
L’écrivain à l’écoute 160
«L’absente de toutes bouches de chair» 167
Le lecteur à l’écoute 184

Conclusion 189