Champ Vallon

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BENOÎT CONORT Main de nuit

Poésie

La main « creuse le noir », évide un espace où la voix se brise dans le cri, rythme et démesure le réel, approche au plus près de ce qui la nie, avance par là même vers la dimension tragique et menacée de l’autre. Elle tresse le tissu rompu d’une vie désassemblée, déconstruite, elle en dévoile l’incertitude.

Lire un extrait

LÀ EN BAS
Celle-ci noire joue dans les taillis de la flûte
Nue elle a un serpent autour du cou
La lune rit dans son dos d’un éclat dur elle tranche la lumière pour que soient retenues
Dans son dos les formes inquiétantes
Elle marche à travers la forêt que nul n’approche
Indifférente elle maintient à ses lèvres le silencieux appeau
Elle est alors bien l’ombre qui se tient au chevet des malades la sûre mélodie qui nous requiert avant de passer
Que des oiseaux s’emparent d’elle ne la fait pas frémir le corps couvert de plumes est un duvet à son sommeil
Île sombre forclose et le vent dans les feuilles altières.
Avant étais-tu ce que l’amant
Te faisait advenir de corps recommencée?
Rien qu’une flamme à sa mèche nouée?
Toute une flamme?

Basses du temps cordage des forêts
J’avançais dans l’après-midi j’en aimais
Les tempêtes sonores le vent encore le vent
Il semble que le vent sur la somme des herbes invente
Mais quoi? Un visage peut-être de main variable
Muet comme sous la pierre du jardin celle
Qui jamais plus ne parlera sinon dans la fumée
Des pubs de l’hiver dans leurs bruits
Rumeurs que l’on jette aux carreaux dépolis
Comme pour se venger
De son mensonge de branches nues
La face ensevelie sous l’humus
Son cri de bras dressé
Et les fumées les brumes
La nuit qui continue
Plus avant
Où le poing se referme sur un peu de terreau.
Le frauduleux dans cette nuit fut d’un vêtement
Que dans l’ombre des arbres elle conserva
Branches étroites feuillage serré pourtant
Voûte sombre qu’aucune étoile n’embrase
Quel regard aurait pu la toucher?

Nul reflet où retrouver l’ivresse de ton corps
Deux rives basses délient leur danse
S’effacent aux nappes lentes d’un marais nappes lasses d’errer

Je replie mon cœur sur le songe
Écheveau étroitement serré j’y perçois
La trame d’une voix.

Je retiendrais bien l’ombre et ton désir de chair
Les racines dévorent ton ventre
Et ton sexe est de l’herbe
Herbes tes seins tes jambes

Toute tu te retournes

Que vois-tu maintenant que tu n’es plus
Qu’un sourire de mottes lourdes?

Biographie

Benoît Conort est né en 1956.

Il a publié:
Pour une île à venir (Galimard, 1988: prix Fénéon);
Au-delà des cercles (Gallimard, 1992: prix Tzara);
Main de nuit (Champ Vallon, 1999: prix de l’Académie Mallarmé);
cette vie est la nôtre (Champ Vallon, 2001).

Pas de couverture disponible, éditions champ vallon