Champ Vallon

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MICHEL ARRIVÉ Un bel immeuble

Un bel immeuble des années 1900, tout près de Paris, entre 1945 et 1960. Le jeune Bornichet, choyé par ses deux tantes infirmes, s’initie aux différents métiers dont il sera chargé à l’Hôpital voisin. Le Docteur Ménétrier et sa belle épouse Solange se déchirent, séparés à la fois par leurs différends sentimentaux et leur rivalité professionnelle. Deux enfants vivent quelques moments d’éternité, cachés dans le grenier de l’immeuble. Olga Letonturier surveille avec une lucidité angoissée les progrès de la déchéance intellectuelle de son époux. Mesdames Gandillot et Pinaudier, dans d’interminables colloques, commentent la vie de l’immeuble et de ses habitants.
C’est Joël Escrivant, garagiste retraité se faisant fort de terminer enfin un roman, qui entreprend d’écrire l’histoire des locataires du 26 bis rue Pougens. Il découvre les joies et surtout les angoisses de la création littéraire. Mais réussira-t-il à mener son ouvrage à son terme ?

Revue de presse

LIVRES HEBDO
(le 12 décembre 2009)

Le 26 bis

Excellent linguiste, éditeur d’Alfred Jarly, Michel Arrivé développe depuis vingt ans une œuvre littéraire originale avec un goût du jeu qui parfois s’apparente à l’Oulipo, sans en avoir l’esprit de système. Indéniablement, Georges Perec eût aimé vivre au 26 bis rue Pougens, à Montrouge, où se trouve le bel immeuble dont un garagiste retraité de 75 ans, Joël Escrivant, a décidé de tenir la chronique. Pas si facile, toutefois, de faire l’histoire du 26 bis, de sa situation cadastrale, de son architecture et de ses habitants surtout lorsque l’on se fixe des contraintes telles que s’en invente Joël Escrivant, dont un bref prélude plein d’humour sérieux nous révèle les doctrines en matière d’art poétique. Nous allons donc suivre, pas à pas, les itinéraires d’Escrivant et les questions qu’il se pose. Il parle bien sûr des habitants mais aussi de ses plagiaires [une de ses obsessions, en effet, c’est d’avoir fait l’objet d’un plagiat anticipé de la part de Lesage (Le diable boiteux), Zola (Pot-Bouille) et bien sûr Perec lui‑même (La vie, mode d’emploi)]. Michel Arrivé propose un empilage de vies bien françaises et parfois ubuesques. Mais il raconte aussi une disparition. Peut-être s’agirait-il de la vengeance du fantôme de Perec.

Jean-Maurice de MONTREMY

 

 

 

LE NOUVEL OBSERVATEUR
(le 25 février 2010)

Montrouge, années 1950
Roman mode d’emploi
Par Sylvie Prioul

Comment écrire après Georges Perec et sa «Vie mode d’emploi » l’histoire d’un immeuble et la vie de ses occupants ?
Michel Arrivé a trouvé un subterfuge : ce n’est pas lui qui s’attaque à ce projet, mais son personnage, Joël Escrivant, au nom prédestiné, qui estime que son illustre prédécesseur n’est qu’un plagiaire par anticipation. Ce roman gigogne se développe donc sur deux niveaux (l’immeuble du 26 bis, rue Pougens, sis à Montrouge, en possédant pour sa part six, plus le grenier) : en caractères romains, l’ouvrage d’Escrivant ; en italique, les interventions de l’auteur.
Ancien vendeur de voitures de sport, pris de la fièvre de l’écriture et des angoisses qui l’accompagnent, Escrivant n’en est pas à ses débuts (il a déjà anéanti plusieurs ouvrages) et il sait dans quels travers il ne veut pas tomber : l’autobiographie lui répugne, tout comme les descriptions, auxquelles il lui faut bien sacrifier pour ce « Bel Immeuble ». Le lecteur arpente avec lui les étages, s’immisçant dans l’intimité des locataires. Des amours naissent au 26 bis ; des drames s’y jouent : la vie dans ce Montrouge de l’après-guerre a un parfum de nostalgie.
Michel Arrivé, pourtant, nous ramène à la réalité : Escrivant constate que ses personnages mènent une vie de plus en plus indépendante. Certains se mêlent même d’écrire : le docteur Ménétrier (premier étage sur la droite), délaissé par la belle Solange, remplit les pages d’un grand cahier vert, pages qu’il fait disparaître aussitôt écrites. Le neveu Bornichet (qui vit au rez-de-chaussée avec ses deux tantes) se lance à son tour dans la rédaction d’un Journal. Mais une calamité s’abat sur le manuscrit d’Escrivant : des signes disparaissent, son ordinateur en supprimant toujours plus chaque nuit… Cette autopsie d’un roman est un régal littéraire.

Sylvie PRIOUL

 

 

 

 

VOSGES MATIN
(le 25 février 2010)

Chacun de ces derniers siècles a connu son grand roman d’immeuble : le XVIIIe avec Le Diable boiteux de Lesage, le XIXe avec Pot-Bouille de Zola et le dernier avec La Vie mode d’emploi de Georges Perec. C’est au tour de Michel Arrivé, connu pour ses travaux de linguiste et ses études sur Alfred Jarry, de se lancer dans le genre avec au départ un homme, Joël Escrivant, qui entreprend la description d’un immeuble étage par étage, appartement par appartement, et imagine la vie de ses occupants. Cette enveloppe contient un tas d’histoires qui se succèdent et finissent par s’imbriquer, renfermant elles-mêmes une autobiographie entreprise par un des locataires. Au milieu de ces récits, un narrateur anonyme nous montre Joël Escrivant au travail, nous fait part de sa démarche, de ses hésitations, de ses difficultés, de sa progression. Un bel immeuble est le roman d’un roman qui se construit – et se défait – sous les yeux du lecteur, transformé tantôt en chef de chantier tantôt en visiteur d’appartements.
Peu à peu, une sorte de tourbillon se forme : où est la farce, où est le farci, qui est dans quoi, le manège accélère, ralentit, on manque s’y perdre et on s’y retrouve toujours, ravi de repartir pour un nouveau tour. La construction ingénieuse, l’effet de poupées gigognes, sans oublier la vision de l’écrivain au travail, rappellent clairement La Vie mode d’emploi mais ce qui est plus important, c’est que Michel Arrivé a hérité de Perec le goût des histoires « à lire à plat-ventre sur son lit », cet art de simplement raconter. Il y a dans Un bel immeuble un foisonnement de récits, de personnages, de parcours qui se côtoient ou se croisent et que l’on suit avec un intérêt grandissant : les déboires conjugaux du docteur Ménétrier, les parties de bridge-plafond avec le docteur Lefébure et sa sinistre épouse, les toilettes mortuaires de ce demeuré de Bornichet et les cancans de Madame Pinaudier, l’exil d’Anatole Gandillot, et les époux Tournesac, et le sulfureux abbé Bérardier, et Roger Arrivé qui était si bon élève…
Michel Arrivé, architecte romancier, nous invite à le suivre pour une visite guidée des plus stimulantes : on peut lui emboiter le pas sans hésiter.

 

 

 

 

 

L’AGREGATION
(N° 444)

Comment savoir ce qui se passe ou se trame derrière les murs d’une maison ou d’un immeuble ? Alain-René Lesage avait résolu le problème dans Le Diable boiteux (1707): son personnage soulevait les toits de Madrid. Michel Arrivé fait un peu de même dans son tout dernier roman. Ses lecteurs se souviennent avec ravissement des deux précédents, également parus au Champ Vallon, Une très vieille petite fille (2006) et La Walkyrie et le professeur (2007). Cette fois, nous sommes à Montrouge, dans un immeuble bourgeois de la rue Pougens, où vivent des personnages aux noms balzaciens : Bornichet, Pinaudier, Gandillot, Ribaudier, Letonturier (le lecteur note même la plus discrète présence d’un fort en thème, un certain Roger Arrivé). Ce bel immeuble est fait de bric et de broc, de pièces et de recoins, d’effluves et de parfums, d’amours fanées et de haines recuites. Une atmosphère de roman policier à la Simenon (avec, en filigrane, la virtualité d’un meurtre), alors que nous sommes dans la douce France, celle des beaux jeudis, des Frères Quatre Bras et de Robert Doisneau (lequel d’ailleurs vivait à Montrouge)… Le livre se proclame d’emblée (p. 3) «roman d’un roman», c’est-à-dire roman et réflexion sur le roman (sans que celle-ci vienne parasiter le plaisir de lecture). Le narrateur principal (car il n’est pas le seul plumitif de l’immeuble) est un certain Joël Escrivant (eh oui !), ancien marchand de voitures de soixante-quinze ans. Le quidam, qui n’en est pas à son premier manuscrit, a des idées arrêtées sur la création littéraire et, comme Perec, s’impose des contraintes. Il n’a «aucune sympathie pour la linguistique» (ce qui ne l’empêche pas de vivre à l’ombre du polygraphe Pougens, linguiste à ses heures), mais c’est surtout de l’informatique que ce monomaniaque devrait se méfier, tant son boiteux, diabolique et même criminel ordinateur lui joue de vilains tours… Un livre plein d’humour. Un roman à la Nabokov, tout en jeux subtils, chausse-trapes, mises en abyme, clins d’oeil littéraires et trouvailles en tout genre (comme le «plagiat anticipé»). C’est que le garagiste Escrivant se trompe : tous les vrais linguistes ne sont pas infréquentables. Il y en a même qui ont lu Perec et Jarry. La preuve: Un bel immeuble est dédié à un certain Emmanuel Dieu… Et qui s’en étonnerait ? Dieu est partout dans ce roman. Même dans les prénoms.

Michel RENOUARD

Biographie

Professeur de linguistique, Michel Arrivé a écrit de nombreux ouvrages, notamment sur les relations entre langage et inconscient. Spécialiste d’Alfred Jarry, il a publié ses Œuvres complètes (premier volume) dans la Bibliothèque de la Pléiade et lui a consacré deux livres. Enfin, il a publié trois romans chez Flammarion (dont Les Remembrances du vieillard idiot, prix du premier roman) ainsi qu’un recueil de nouvelles.

Un bel immeuble – Michel Arrivé 2010