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NICOLAS LE ROUX La faveur du roi

Mignons et courtisans au temps des derniers Valois (vers 1547-vers 1589)

Dans la France de la Renaissance, la cour s’impose comme un outil de gouvernement. À la fois instrument et reflet de sa puissance, l’entourage du prince joue un rôle politique majeur. C’est dans ce monde aux contours mouvants qu’un cercle privilégié de familiers acquiert une position dominante: les mignons. Ce livre s’attache à ces personnages mal connus, à la réputation sulfureuse.
Jusqu’au milieu du XVIe siècle, seuls quelques grands barons jouent à la cour le rôle d’intermédiaires obligés entre les élites et le souverain. Avec les guerres de Religion (1562-1598), les conflits pour l’accès aux ressources de l’État et à la faveur du roi deviennent de plus en plus violents. Tandis que la reine mère Catherine de Médicis tente de rétablir l’unité du royaume, le futur Henri III prend la tête d’un groupe de jeunes gens soudé notamment par l’expérience des combats. Les mignons accèdent donc au pouvoir avec leur maître en 1574. Ils forment alors l’écrin qui magnifie la majesté du souverain. Les ducs de Joyeuse et d’Épernon émergent de cette nébuleuse, épurée par les assassinats, les duels et les disgrâces. Après la mort du premier et la mise à l’écart du second, la politique de la faveur s’éteint, obligeant le roi à reprendre lui- même en main le fonctionnement de la cour.
Cette histoire de la faveur propose une approche renouvelée de la formation de l’État royal: elle démontre que les figures du courtisan et du favori participent pleinement à la construction du pouvoir monarchique.

Revue de presse

LIBÉRATION
(jeudi 8 mars 2001)

MIGNONS REPECHÉ
Comment les jeunes gens scandaleux qui entouraient Henri III ont paradoxalement contribué à asseoir le pouvoir absolu de la monarchie française

Les « mignons » ont toujours eu mauvaise presse chez les historiens. Ces jeunes aristocrates de vingt ans, les Joyeuse, Epernon et autres La Valette dont Henri III aime à s’entourer dès son accession au pouvoir en 1574, ont toujours souffert d’une image scandaleuse. Considérés comme illégitimes auprès du roi parce que n’appartenant pas à la plus haute noblesse, la chronique contemporaine les présente comme des personnages efféminés qui ont dévergondé la vie de cour avec leurs jeux pervers. A eux seuls, ils symbolisent les excès du pouvoir personnel du monarque. Ces apparences sont trompeuses et simplificatrices car, derrière la promotion de ces favoris, avec lesquels Henri III entretient par ailleurs une véritable amitié remontant à sa jeunesse, il faut voir l’émergence d’un nouveau système de gouvernement.
C’est ce que montre Nicolas Le Roux dans ce gros ouvrage érudit qui se lit pourtant (presque) comme un roman historique. Il cherche moins à réhabiliter les mignons – on s’en serait douté – qu’à comprendre leur rôle dans la transformation des relations entre le pouvoir royal et la noblesse à ce moment crucial que sont les guerres de Religion. Il propose ainsi une anthropologie politique qui aide à renouveler notre vision de la formation de l’Etat moderne. Ce livre fait ainsi écho aux préoccupations actuelles de beaucoup d’historiens,soucieux de comprendre les fondements sociaux de la naissance de l’Etat qui, dans ces périodes anciennes, est moins une structure contenant en germe la modernité bureaucratique qu’un réseau de relations personnelles organisé autour de la personne du roi. C’est dans cette perspective qu’i1 faut lire cette reconstitution minutieuse des relations familiales aristocratiques, des jeux de cour et des stratégies royales dont le but est de montrer comment le monarque, qui est encore le roi suzerain plutôt que le roi absolu, peut tenir, avec des moyens somme toute modestes, un royaume très vaste,mesuré à l’aune du XVIe siècle, et contrôlé localement par les grandes dynasties nobles, soucieuses d’être associées au pouvoir.
L’instrument privilégié de cette politique est la faveur royale dont l’usage, précisément, est radicalement modifié à l’époque de Henri III. Jusqu’au milieu du XVIe siècle, les traités de philosophie politique considèrent que le modèle du bon gouvernement est celui de lafamille dans lequel la grâce du prince est répartie équitablement entre les sujets. Le massacre de la Saint-Barthélemy (en 1572) provoque une rupture profonde dans cette idéologie patriarcale, car les déchirements confessionnels et la mise en accusation du roi et de Catherine de Médicis conduisent progressivement à une autre façon de gouverner, fondée sur une restriction de l’accès à la personne du roi et une plus forte maîtrise des réseaux et des clientèles. Une nouvelle « économie de la faveur » se met en place au bénéfice des mignons qui vont vite monopoliser le lien avec Henri III. Cemonopole se traduit de multiples manières: larges pensions et nombreux dons royaux, responsabilités militaires et politiques importantes, positions honorifiques… autant de largesses qui échappent à leurs destinataires naturels, lesgrandes familles aristocratiques, qui ne voient dans les mignons que de simples « créatures royales », méprisables car dénuées de cet esprit d’indépendance qui fait encore le noble à la fin du XVIe siècle. Pourtant, malgré l’appui du roi, les mignons n’ont jamais réussi à s’implanter localement, y compris dans leurs régions d’origine, et à se substituer aux patrons régionaux que sont les grands princes, comme les Guise, ou les responsables de partis religieux. En bref, ils ne sont jamais devenus de vrais chefs de réseaux clientélaires.Cet échec est lourd de conséquences car il explique, à court terme, l’incapacité royale à empêcher la guerre civile. A plus long terme, en revanche, cette élection des favoris par la concentration de la faveur « participe d’une pédagogie royale visant à montrer que la noblesse n’a pas de légitimité hors du service direct du souverain ». Cette transformation majeure qui fait du roi, de primus inter pares, le maître de sa noblesse est un processus très long qui ne fait que commencer à la fin du XVIe siècle. D’autres étapes seront nécessaires, en particulier la domestication physique de l’aristocratie àVersailles, entreprise par Louis XIV. Il n’en est que plus paradoxal de montrer que c’est le règne d’un roi qui ne fut longtemps perçu, à la suite du grand historien Ernest Lavisse, que comme « un très mauvais prince, coquet et parfumé comme une femme » qui est à l’origine de ce pouvoir fort et absolu qui a façonné la monarchie française.
Jean-Yves GRENIER

LE MONDE
(vendredi 28 septembre 2001)
Confisquant l’accès au prince, le favori passa pour le bénéficiaire d’un simple caprice, sans portée politique. L’étude magistrale de Nicolas Le Roux rétablit le véritable enjeu d’un statut qui contribua en fait à l’établissement de l’absolutisme.

La réputation des « mignons », ces jeunes nobles cumulant charges, honneurs,commandements – et ennemis – qui composèrent l’entourage d’Henri III, n’est plus à faire. De leurs extravagances vestimentaires, de leur arrogance et de leur tempérament querelleur (en avril 1578, six favoris s’affrontent dans un duel d’une violence incroyable dans lequel Caylus, Maugiron, Schomberg et Ribérac perdent la vie), de leur cynisme cupide (Saint-Mégrin épouse en 1576 la veuve d’un homme qu’il a tué en duel un an plus tôt), parfois, mais aussi de leur dévouement au roi et de leur courage physique, tout semble avoir été dît, même le plus improbable et le plus improuvable. Cette réputation sulfureuse fut en fait l’œuvre des controversistes et des pamphlétaires contemporains qui s’indignèrent de la soudaine promotion sociale et politique de ces jeunes hommes impatients.
Inspirés par des mobiles dissemblables – amertume des exclus de la cour, incompréhension des notables devant les provocations et les scandales, manœuvres politiques des protestants et des ligueurs, ou des nobles révoltés, cherchant à affaiblir le roi en discréditant son entourage –, bien des écrits dénoncèrent alors les mœurs dissolues, l’avidité, l’extraction modeste de ces nouveaux maîtres de la faveur royale. Dès 1577, un sonnet partout diffusé ironise ainsi sur les honneurs trop facilement acquis des mignons: « Saint Luc, petit qu’il est, commande bravement / A la troupe Hautefort, que sa bourse a conquise / Mais Caylus, dédaignant si pauvre marchandise / Ne trouve qu’en son cul tout son avancement. » Les attaques les plus complexes et les plus sévères viennent pourtant plus tard contre les deux favoris qui monopolisent après 1580 les charges et les revenus, les ducs d’Epernon et Joyeuse. Elles débouchent cette fois sur une contestation théorique nouvelle de l’autorité monarchique, qui s’apparente à la naissance de l’ »opinion » qui entend soumettre l’exercice du pouvoir à la critique publique.
Nicolas Le Roux réussit parfàitement, dans ce livre au style plaisant, à transformer ce qui n’aurait pu être qu’anecdotes mille fois ressassées et interrogations scabreuses en matériau d’une enquête d’histoire sociale exemplaire. En retraçant les origines de la constitution du groupe étroit de courtisans qui vont petit à petit confisquer l’accès au roi et servir de « courtiers » dans la redistribution des honneurs, des charges et des gratifications, en examinant avec minutie la mise en place d’un système inédit de la faveur qui confère à quelques personnes à la fois des fonctions domestiques dans l’entourage du souverain et des positions politiques ou militaires de premier plan, en révélant aussi l’évolution spectaculaire des fortunes des mignons, leurs stratégies d’alliance si savantes, Le Roux montre en quoi l’institution des favoris, loin de relever d’un caprice royal un peu incongru, participe en fait d’une transformation réfléchie et extrêmement efficace du pouvoir monarchique et des conditions de son exercice. C’est tout le système traditionnel d’échange et de collaboration entre le roi et les nobles du royaume qui se trouve en effet modifié. A la figure humaniste du souverain, juste dispensateur des honneurs entre des nobles que distinguent leurs mérites et leurs services, se substitue brutalement celle du roi secret, caché et protégé par un entourage qu’il choisit de manière totalement libre. L’élévation des mignons n’est qu’un pur effet de la grâce royale: ceux-ci se pensent d’ailleurs eux-mêmes comme les « créatures » du souverain ainsi comparé à un dieu politique.
De cette transformation du pouvoir monarchique et de ses modes de représentation témoigne fort bien la modification des appartements royaux observée par Le Roux: en quelques années, la multiplication des antichambres accroît la distance entre les gentilshommes ordinaires et le roi, réservant l’accès à celui-ci à un noyau toujours plus étroit de nobles que le souverain distingue. Avec ces aménagements et la formalisation d’une véritable étiquette en 1578, la mise en scène du souverain subit une mutation radicale: « , L’accès au prince n’est désormais plus un droit pour personne, car seule sa grâce désigne les élus. »
L’intérêt du livre de Nicolas Le Roux, c’est de retrouver les enjeux politiques précis de ces changements brutaux dans l’organisation de l’entourage royal. Confronté à une situation politico-religieuse extrêmement difficile, dans laquelle les factions nobiliaires et les partis confessionnels s’affrontent dans une succession confuse de conflits, le roi tente de contrecarrer le jeu des forces centrifuges, qui sape son autorité et met en péril le royaume, en instaurant un nouveau mode de distribution des honneurs et de répartition des ressources économiques, politiques, symboliques de l’Etat, qui a pour principale caractéristique de tisser des liens de fidélités directes à sa personne et de court-circuiter les clientèles nobiliaires traditionnelles. On comprend mieux alors la virulence des critiques portées contre les favoris et les mignons, car derrière d’hypothétiques dépravations et d’inutiles provocations se profilaient bien d’autres enjeux, autrement plus redoutables ceux-là: l’exclusion d’une frange importante de la noblesse des affaires de l’Etat et l’affirmation d’un nouveau mode d’exercice de l’autorité royale. Nicolas Le Roux offre donc ici une contribution importante à l’histoire de l’Etat.
Olivier Christin

LES CLIONAUTES
(Janvier 2014)

Nicolas le Roux est spécialiste des guerres de religions dans le royaume de France, ainsi que des sociétés de cour et de la culture nobiliaire. Dès 1998, il devient maître de conférences à l’université Paris IV-Sorbonne puis reçoit son habilitation à diriger des recherches en histoire moderne en 2006. Depuis 2007 il est professeur d’histoire moderne à l’université Lumière-Lyon 2. Il est notamment auteur de La Faveur du roi. Mignons et courtisans au temps des derniers Valois (2001) et de Un régicide au nom de Dieu : L’assassinat d’Henri III (2006). Plus récemment il a dirigé Les guerres de religions(2009), sixième des treize ouvrages, s’inscrivant dans un projet de publication d’une histoire de France sous la direction de Joël Cornette.
C’est un livre extrêmement dense (808 pages) qui nous est proposé, édité pour la première fois en 2001 puis réédité en 2013 dans la collection « Les classiques » des éditions Champ Vallon.
L’attention portée aux Valois s’explique autant par les faits qui se déroulèrent à leur cour que par les crimes commis. L’entourage du dernier roi de la cette dynastie, Henri III, attire particulièrement l’attention. Ces proches sont progressivement qualifiés de « mignons », appellation devenue courante dans le vocabulaire populaire dès le début du règne. Pierre de L’Estoile décrit des êtres efféminés, gravitant dans l’entourage du roi, aux coiffures sophistiquées et exclusivement occupés à plaire au roi. Aussi, jeux, blasphèmes, danses et querelles viendraient jalonner leur activité quotidienne. La postérité a donc conservé de ces personnages une image sulfureuse, scandaleuse. Les contemporains du XVIème siècle ont étalement stigmatisé ces favoris, sans chercher toutefois à comprendre quel rôle politique ont-ils joué auprès du souverain. Il est vrai que l’image des favoris reste profondément marquée par les guerres de religion. Ils apparaissent comme des créations purement artificielles, vouées aux gémonies par les protestants. Pour autant, les successeurs d’Henri III, à commencer par le futur Henri IV n’ont pas cherché à réhabiliter l’entourage du souverain. La nouvelle dynastie des Bourbon se garde donc bien de louer son prédécesseur et en profite même pour mettre en œuvre une entreprise de diabolisation afin d’en tirer un maximum de légitimité auprès du peuple. Cette propagande royale a laissé dans la mémoire collective des contemporains l’idée d’une déliquescence des mœurs de la cour des derniers Valois et, comme corollaire, des gouvernants inconscients et inconstants. Ainsi le perçoit Victor Duruy dans son histoire de France, au XIXème siècle. Les favoris italiens auraient perverti le cœur du roi ; l’avidité des mignons permanente au sein d’une cour jugée féroce et licencieuse. Une littérature spécialisée s’est ainsi développée sous la IIIème République décriant avec verve les mignons d’Henri III. Pour autant, ces conclusions hautes en couleurs n’ont guère découragé les spécialistes qui se sont intéressés de près à Henri III. Ils se sont ainsi employés à laver l’image de ce roi des accusations pesant sur sa sexualité, opération nécessaire afin d’apprécier à sa juste valeur le prince raffiné ou les ambitions politiques et culturelles de l’homme d’Etat. Le livre de Nicolas Le Roux apporte de précieuses informations sur un point rarement étudié : celui du fonctionnement réel de la nébuleuse gravitant autour du souverain en tant que groupe social et culturel autonomisé. Cet ouvrage apporte autant sur le concept de faveur, sa pratique, sa théorisation et son utilisation que sur le système de signes de la faveur, c’est-à-dire les représentations et les manifestations politiques, économiques et symboliques traduisant ou reconnaissant la proximité avec le prince.

LA TROUPE DU ROI

Le règne d’Henri III se singularise, au cours des guerres de religion par une politique qui contraste avec les pratiques en vigueur sous les trois règnes précédents. Brantôme insiste sur la continuité qui semble prévaloir sous Charles VIII, Louis XII, Henri II, François II et Charles IX, à l’instabilité qui dominerait sous François Ier et Henri III. L’étude menée par Nicolas Le Roux nous plonge au cœur de la cour par la richesse des témoignages et des compositions polémiques qui évoquent ou mette en scène les proches du roi. Les mignons apparaissent ainsi comme instruments du pouvoir, comme autant d’ornements de la majesté, voire comme de véritables signes de puissance. Alors que l’entourage de Charles IX restait dominé par des figures placées par la reine mère Catherine de Médicis, celui de Henri III est d’abord composé de personnages l’ayant suivi pendant sa jeunesse, comme Lignerolles, Villequier, Bellegarde et Le Guast. Le second groupe de faveur qui fonctionne à partir de 1574 rassemble de très jeunes gens qui constituent un véritable écrin autour du roi, comme Entraguet, Caylus, Saint-Mégrin, Maugiron, Livarot, Saint-Sulpice, Souvré. Enfin, le troisième cercle se réduit à deux archimignons, Joyeuse et Epernon ainsi qu’à leurs frères. L’entourage du souverain apparaît donc comme une configuration numériquement limitée dans laquelle évoluent des individus en situation de proximité physique avec la personne du souverain. Il offre une zone de contact entre la société de cour, le royaume et le prince. Mais cet entourage forme également un écran qui masque ou met ce dernier en représentation. Rétribués de leur fidélité par l’octroi ostentatoire d’honneurs symboliques ou matériels, les favoris concentrent et monopolisent la grâce du prince, c’est-à-dire le don gratuit du regard et de la bienveillance exprimant sa liberté souveraine. La faveur peut ainsi être définie comme une situation de pouvoir informel ne reposant ni sur le statut social ni sur les charges officielles, mais sur un lien « dilectif » qui traduit une relation volontaire et affective avec des personnages choisis (la relation de dilection implique une opération sélective et une signification affective positive vécue par ses agents)
Dans le système de concurrence et d’exclusion que constitue la cour, le favori apparaît alors comme le personnage qui se caractérise par la plus grande capitalisation de signes de l’exception, qu’il s’agisse de dignités, de récompenses ou de prérogatives symboliques. Ces signes manifestent et affermissent sa position de privilégié dans l’entourage du prince. Cette politique se veut aussi une forme de sublimation et marque fermement le rapport de dépendance qui manifeste l’efficacité créatrice du pouvoir du souverain. La période des favoris s’étend du XVème siècle au XVIIème siècle. Leur présence autour du souverain participe d’une stratégie royale d’intégration politique. Le prince attire à lui des princes de régions éloignées de Paris et exerce ainsi un contrôle sur ces lointaines contrées. Cette politique est fondée sur l’exaltation de la souveraineté à travers l’exercice de la grâce et sur l’association directe de la noblesse au pouvoir. Nicolas Le Roux insiste sur l’histoire politique de la faveur qui conjugue avec la connaissance des organisations et du personnel politique avec l’approche de la culture, de l’imaginaire, des rituels et de la symbolique royale. En fait, l’objet de cette étude, l’entourage d’Henri III, n’émerge pas de définition officielle de la figure du favori. Sa situation reste ambivalente. Sa position correspond moins à une fonction qu’à une position particulière dans un système de pouvoir où s’exerce une mise en représentation des relations d’autorité.
La catégorisation sociale des individus dépend, à la cour, étroitement des représentations que les contemporains se font de leur proximité avec le prince. Les jugements des contemporains constituent-ils une source primordiale pour l’objet de cette étude. L’auteur part d’un point de vue nomaliste, c’est-à-dire qu’il interroge les sources et les textes dans les termes mêmes qu’emploient leurs auteurs, afin de discerner quels personnages sont identifiés dans l’entourage du roi et donc, comme favoris. Les sources narratives (mémoires, livres de raison, biographies), les pamphlets et textes polémiques sont aussi à même de nous introduire au cœur de la cour, de son fonctionnement et d’approcher les favoris. Enfin, les témoignages sont croisés avec les sources objectives que sont les les correspondances, les actes notariés et les archives de l’Etat (registres des Ordres de chevalerie, comptes royaux, rôle de compagnies d’ordonnance, pièce généalogique). Elles permettent ainsi d’appréhender, en tant que système, les individus dans leur dynamique interne. Enfin, centré sur l’entourage d’Henri III, ce livre trace également une généalogie de la pratique de la faveur dans la deuxième moitié du XVIème siècle. Son point de départ se situe à l’avènement d’Henri II, à l’époque où les représentations du politique sont sous-tendues par un imaginaire de la concorde dans lequel la faveur royale est moins conçue comme un rapport privé que comme la forme naturelle de la relation qui unie le prince à l’ensemble des membres de la noblesse. L’avènement d’Henri III consacre l’évolution du fonctionnement de la cour et des relations entre le pouvoir royal et la noblesse entamée au cours de la première décennie des guerres de religion. L’arrivée sur le devant de la scène politique d’une troupe de favoris confirme ces bouleversements. Ainsi, c’est toute l’histoire de la construction de l’Etat moderne qui peut être lue à travers la dynamique de la faveur royale dans un contexte particulièrement difficile des troubles religieux. Un livre incontournable si l’on souhaite appréhender la construction de l’Etat moderne.
Bertrand Lamon

Biographie

Né en 1970 à Tours, normalien, docteur d’histoire moderne, Nicolas Le Roux est professeur d’histoire moderne à l’Université Lumière-Lyon 2 et habilité à diriger des recherches en histoire moderne à l’Université Paris-IV.
Il a publié, entre autres, La Faveur du roi. Mignons et courtisans au temps des derniers Valois (vers 1547-vers 1589) (Champ Vallon, 2001), Un régicide au nom de Dieu. L’assassinat d’Henri III (Gallimard, 2006) et Les Guerres de Religion (1559-1629) (Belin, 2009), Le Roi, la cour, l’Etat. De la Renaissance à l’absolutisme (Champ Vallon, 2013) et Le Crépuscule de la chevalerie. Noblesse et guerre au siècle de la Renaissance(Champ Vallon, 2015).