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ROBERT DESCIMON, JOSÉ JAVIER RUIZ IBANEZ Les ligueurs de l’exil

Le refuge catholique français après 1594

En 1585, à la mort du duc d’Anjou, frère d’Henri III, l’héritier du trône devint le roi de Navarre (futur Henri IV), chef du parti protestant. Après un quart de siècle de guerre civile, cette perspective était inacceptable pour les catholiques radicaux. Ils formèrent une Ligue, que dirigeaient les Guise, d’où le nom de ligueurs que l’histoire leur a attaché. Mais ce fut Henri IV qui remporta la victoire militaire et politique, au prix, il est vrai, de sa conversion au catholicisme.
Alors, en 1594, certains de ces ligueurs choisirent l’exil plutôt que de vivre sous l’autorité d’un « hérétique relaps ». Ils étaient si attachés à une conception intransigeante du catholicisme qu’ils s’installèrent sur les terres du roi d’Espagne (le « roi catholique »), à Bruxelles surtout. Après la paix entre l’Espagne et la France, en 1598, le sort de ces exilés devint de plus en plus sombre et le sens de leur attachement à la « liberté de conscience » (c’était leur propre terme) de plus en plus mystérieux. Beaucoup rentrèrent au pays, où eux et leur famille connurent un net déclassement social, beaucoup restèrent en Flandres jusqu’à leur mort.
Ce livre scrute l’aventure de ces exilés, surtout à travers les rapports qu’ils entretenaient avec les autorités espagnoles qui les pensionnaient et tâchaient de les utiliser. Toute une passionnante galerie de portraits est ainsi esquissée : du duc d’Aumale, ce grand seigneur malheureux à la guerre (mais excellent catholique), au maréchal de Rosne qui mourut au combat alors qu’il commandait l’armée espagnole au siège de Hulst, de Bussy-Leclerc, l’ancien gouverneur de la Bastille, qui exaspérait le monde avec son gros chapelet rouge, à Godin, l’ancien maire de Beauvais estropié par les nobles de son propre parti … Tous ces hommes peinaient à former une communauté, mais ils étaient unis par le souvenir des luttes passées et par leur commun attachement à un catholicisme absolu qui refusait toute cohabitation avec une autre religion, surtout si elle se prétendait chrétienne.
Au fur et à mesure de leurs recherches dans les archives de Bruxelles, Simancas, Madrid, Milan, Paris, Lille…, une évidence s’imposa aux auteurs à travers la confrontation de leurs cultures historiques (l’un est espagnol, l’autre français) : ils finirent par devoir reconnaître que ces exilés qui avaient fui la France d’Henri IV n’étaient pas seulement des fanatiques, condamnés depuis le XVIIe siècle par la tradition, qu’elle soit royale, libérale ou nationale, mais qu’ils avaient été aussi porteurs d’un message religieux et politique qui avait sa logique et a même eu, on peut le regretter, une postérité.

Robert Descimon est directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris.

José Javier Ruiz Ibáñez est professeur titulaire à l’Université de Murcie en Espagne.

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Les ligueurs de l’exil
Le sommaire
INTRODUCTION
La Ligue, observatoire
des mutations religieuses du XVIIe siècle

1: Pour une mise à distance critique
des enjeux des guerres de Religion
État de la question historiographique
Sous Henri IV, le vertige des reclassements religieux…

2: Ce que les ligueurs zélés ne pouvaient admettre
Triple frustration: Un déficit de sainteté, de martyre et d’hérésie
La perte de l’immanence divine
La figure du roi de droit divin
«L’Église qui est dans l’État»

3: L’impossible intégration des réfugiés ligueurs
aux Pays-Bas espagnols
L’hispanophilie religieuse
La confessionnalisation pouvait-elle être espagnole?
Le parti ligueur dans l’exil

CHAPITRE I
L’ORIGINE DES RÉFUGIÉS

1: Les résidus de la Ligue nobiliaire
2: La maison d’Aumale
3: Les médiations entre petite et grande noblesses:
Rosne, Roissieu et le «comte» de La Fère.
4: Les ligueurs des villes: géographie d’une émigration
et essai de caractérisation
5: Les caractères généraux de l’exil ligueur

CHAPITRE 2
LES RÉFUGIÉS ET LE POUVOIR ESPAGNOL

1: Ligueurs espagnolisants ou résidus ligueurs?
2: Les services rendus
3: Le service civil
4: Le point de vue du gouvernement espagnol
5: Le don et la politique royale
6: Les doublons après la guerre

CHAPITRE 3
LA COMMUNAUTÉ:
CARACTÉRISATION, RELATIONS, DISSOLUTION

1: Une communauté de réfugiés?
2: Familles en exil
3: Des réfugiés aux immigrés
4: Retourner en France. Rester aux Pays-Bas:
des stratégies ambiguës
5: Ceux qui demeurèrent au pays du roi catholique.
6: Le voyage à la Cour d’Espagne
Épilogue: quelques commentaires d’analyse globale

BIBLIOGRAPHIE
DICTIONNAIRE
des ligueurs réfugiés,
principalement des Bruxellois pensionnaires du roi d’Espagne

Index
Table des graphiques, tableaux et carte

Ligueurs de l'exil (Les) (Robert Descimon José Javier Ruiz Ibanez – 2005)