Champ Vallon

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Denis | CROUZET

Le massacre de la Saint-Barthélemy (1572), dès ses lendemains, devint un objet d’histoire conflictuelle. S’opposèrent des historiens catholiques ou protestants qui cherchèrent à expliquer comment un crime d’une telle intensité avait pu se produire à contre-sens d’une concorde orchestrée par le roi Charles IX. Il ne s’agissait que d’un début puisque, depuis ce temps, se sont multipliées les histoires d’un événement qui est toujours apparu comme une violence inouïe et qui fut donc façonné selon des narrations antagonistes obéissant aux enjeux religieux, politiques, ou idéologiques immédiats.

La Saint-Barthélemy est, dans ce livre, scrutée comme une hantise française constamment projetée dans des passions se succédant les unes aux autres. Une hantise qui n’est pas sans laisser transparaître l’angoisse d’une vérité historique, certes instrumentalisée, mais peut-être pour toujours introuvable…

 

Professeur émérite d’histoire moderne à l’université de Paris IV-Sorbonne, spécialiste des guerres de Religion et des pratiques de violence à la Renaissance, Denis Crouzet a construit une œuvre essentielle, de ses Guerriers de Dieu (Champ Vallon, 1990) à  Paris criminel. 1572 (Les Belles Lettres, 2024), en passant par Le XVIe siècle est un héros. Michelet, inventeur de la Renaissance (Albin Michel, 2021) et Christophe Colomb. Héraut d’une apocalypse (Payot, 2006).

L'histoire Crouzet

Tout commence vers 1525, quand monte en France l’angoisse du châtiment divin. Dans le ciel et sur la terre apparaissent des signes qui disent l’imminence du Jugement. Voici le temps des guerriers de Dieu: d’une violence d’abord intérieure surgit la force conquérante d’un prophétisme panique qui ordonne la mise à mort des hérétiques. S’opposant à la violence désacralisatrice des huguenots, la violence mystique des catholiques culmine en août 1572 lors du double massacre, royal et populaire, de la Saint-Barthélemy. La Ligue marquera l’ultime retour de l’angoisse prophétique, force agissante d’un long XVIe siècle, qui vise à unir le peuple au Christ de la Passion. La rupture surgit en la personne d’Henri II qui, en pacifiant le royaume, est l’artisan d’un désangoissement et d’un désenchantement du monde. La « félicité du royaume », ordonnée par le roi de raison d’une monarchie absolue et resacralisée, est à la source de notre modernité. Un livre « destiné à occuper dans l’historiographie du XVIe siècle, non seulement religieux, mais spirituel et mental, une place capitale. » (D. Richet)
.

Denis Crouzet est professeur émérite d’histoire moderne à la faculté des Lettres de Sorbonne Université. Ses livres traitent de la guerre et de la paix au XVIe siècle, de l’action politique et des imaginaires religieux, des attentes eschatologiques et des utopies violentes.

Dieu en ses royaumes évoque les affrontements religieux dans la France des années 1490-1610 en racontant une histoire saturée d’angoisses et de rêves.
Au commencement, il y eut le tragique d’une grande peur de la damnation face à un Dieu toujours plus distant et menaçant. La fin des Temps approchait et chacun se devait de se préparer au face-à-face avec le Christ, dans la pénitence, la prière et une obsession de pureté exigeant l’éradication violente de tous ceux qui attisaient par leur impiété ou leur hérésie la fureur divine. En contrepoint de ce noircissement culpabilisant du monde humain, Calvin proposa au fidèle une voie alternative et libératoire qui supprimait l’angoisse du salut en portant le fidèle à vivre dans une «bonne crainte» de Dieu.
Au plus profond des guerres de Religion qui opposèrent «papistes» et «huguenots», ou plutôt au cœur même de la dynamique des fixations confessionnelles, s’installait la violence d’un conflit entre hantise eschatologique et désangoissement: deux royaumes de Dieu s’affrontaient.
Dans le cours de cette histoire saccadée, le centre de gravité dramatique se déplaça: le pouvoir monarchique tenta d’entraver la crise en fixant dans la personne royale la mission messianique d’établissement d’un ordre de paix transcendant le jeu mortifère des imaginaires. Dieu en ses royaumes raconte alors l’histoire d’un second grand conflit, opposant les rêves apocalyptiques et violents des catholiques intransigeants à l’utopie de modération d’un roi Christ luttant contre les passions de ses sujets, une modération dont les grandes figures furent Michel de l’Hospital, Catherine de Médicis, Charles IX et son frère Henri III.
C’est à la monarchie d’Henri IV qu’il revint de clore cette tragédie par le truchement d’un autre jeu de symbolisation. L’Histoire fut alors érigée, à travers la figure d’un roi providentiel guidant ses sujets vers un nouvel âge d’or, en une instance de résorption des angoisses et des peurs eschatologiques.

Dieu en ses royaumes évoque les affrontements religieux dans la France des années 1490-1610 en racontant une histoire saturée d’angoisses et de rêves.
Au commencement, il y eut le tragique d’une grande peur de la damnation face à un Dieu toujours plus distant et menaçant. La fin des Temps approchait et chacun se devait de se préparer au face-à-face avec le Christ, dans la pénitence, la prière et une obsession de pureté exigeant l’éradication violente de tous ceux qui attisaient par leur impiété ou leur hérésie la fureur divine. En contrepoint de ce noircissement culpabilisant du monde humain, Calvin proposa au fidèle une voie alternative et libératoire qui supprimait l’angoisse du salut en portant le fidèle à vivre dans une «bonne crainte» de Dieu.
Au plus profond des guerres de Religion qui opposèrent «papistes» et «huguenots», ou plutôt au cœur même de la dynamique des fixations confessionnelles, s’installait la violence d’un conflit entre hantise eschatologique et désangoissement: deux royaumes de Dieu s’affrontaient.
Dans le cours de cette histoire saccadée, le centre de gravité dramatique se déplaça: le pouvoir monarchique tenta d’entraver la crise en fixant dans la personne royale la mission messianique d’établissement d’un ordre de paix transcendant le jeu mortifère des imaginaires. Dieu en ses royaumes raconte alors l’histoire d’un second grand conflit, opposant les rêves apocalyptiques et violents des catholiques intransigeants à l’utopie de modération d’un roi Christ luttant contre les passions de ses sujets, une modération dont les grandes figures furent Michel de l’Hospital, Catherine de Médicis, Charles IX et son frère Henri III.
C’est à la monarchie d’Henri IV qu’il revint de clore cette tragédie par le truchement d’un autre jeu de symbolisation. L’Histoire fut alors érigée, à travers la figure d’un roi providentiel guidant ses sujets vers un nouvel âge d’or, en une instance de résorption des angoisses et des peurs eschatologiques.

Réédité en avril 2015, collection Les Classiques