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Diane | ROUSSEL

Capitale politique du royaume de France, monstre démographique et chaudron social sans cesse bouillonnant, Paris est-elle également la capitale du crime ?
Cela ne fait aucun doute pour les chroniqueurs bourgeois de la Renaissance, persuadés de voir proliférer le crime organisé à l’intérieur des murailles de la ville, réactivant ainsi, à la faveur des grandes crises du siècle, les stéréotypes de l’insécurité urbaine. C’est également le discours que tient la Couronne, pour laquelle dénoncer l’insuffisance de la police parisienne permet de faire progresser la tutelle royale au détriment des autonomies anciennes de la bonne ville.
Les sources de la pratique judiciaire livrent pourtant une tout autre image de la criminalité parisienne au XVIe siècle. Fréquente et ritualisée, la violence ordinaire est d’abord le fait d’une jeunesse masculine en mal d’intégration professionnelle et matrimoniale. Mais si l’engouement pour le duel à l’épée modèle l’homicide parisien, la capitale ne semble pas connaître d’explosion sanglante hors du commun. Les instruments traditionnels de la régulation sociale – police en immersion dans la rue, justice conciliatrice plus que coercitive et surtout contrôle communautaire étroit – résistent encore aux mutations profondes de l’organisme urbain, assurent une relative modération de la violence et engagent la société parisienne sur le chemin du désarmement. Analysés au ras de la rue, les conflits ordinaires permettent aussi de restituer l’intensité de la vie sociale dans la plus grande ville d’Occident, où la conduite et la renommée de chacun sont soumises au regard de tous et aux normes communes. Plutôt que naturellement « pousse-au-crime », Paris apparaît au contraire comme un modèle original de moralisation et d’encadrement des comportements à l’aube des Temps modernes.

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Violences et passions dans le Paris de la Renaissance

Le sommaire

INTRODUCTION
Robert Muchembled

INTRODUCTION

Une histoire de la criminalité
Une histoire sociale de la justice
Une histoire de Paris

Première partie
LA CAPITALE DU CRIME

Chapitre 1: Portrait de Paris

1. «La Reine de ces lieux»
2. À vol d’oiseau
La Cité
La Ville
L’Université
Les faubourgs
3.«L’abondance du peuple»
4. La ville monstre
La Parisienne légère et le Parisien badaud
«Il n’est crotte que de Paris»: les expériences du piéton

Chapitre 2: «Comme en la plus belle forest du monde»:
chroniques de l’insécurité parisienne44

1. Raconter le crime
Récits de potence sous François Ier
Pierre de L’Estoile et le goût du fait divers criminel
2. La citadelle assiégée: la montée du sentiment d’insécurité
à Paris sous François Ier
La «grosse peur» de 1524
Des portes à l’intérieur de la ville: la montée du sentiment d’insécurité
dans les années 1520
3. «Force meurtres, assassinats, voleries, excès, paillardises et toutes sorte de vices et impiétés règnent en cette saison extraordinairement»: Pierre de L’Estoile et la dénonciation de la criminalité parisienne
Place et fonction du crime durant les «troubles» des guerres de Religion
Crimes de sang au «Magazin de mes curiosités»
Crimes familiaux et des crimes sexuels: l’ordre masculin en danger
Les peurs sociales d’un bourgeois de Paris
Les mouches et les gros bourdons: l’appel à une justice efficiente

Chapitre 3: La police avant la Police:institutions et règlements
de l’ordre public parisien au XVIe siècle

1. La défense de Paris: permanences et mutations du système
de la Bonne Ville
«Guerre des limites» et identité citadine
Milice et guet bourgeois sous la tutelle du roi
2. «… Du desordre qui est de present du fait de la police»:
discours sécuritaire et priorités policières au xvie siècle
Sécuriser et moraliser l’espace parisien
Populations dangereuses
La criminalisation des pauvres et des vagabonds
3. La police royale du Châtelet: prééminence et réformes
L’encadrement policier
Compétences: l’autonomisation croissante des fonctions policières

Chapitre 4: Les mesures de la criminalité dans les archives
judiciaires

1 Du sang sur le pavé: les caractères parisiens
de l’homicide pardonné
Du crime au pardon: les chemins de l’homicide pardonné
Essai de quantification de l’homicide: une modération parisienne?
La dramatisation de la violence sanglante à Paris
2. «Excez et battures» devant le tribunal seigneurial de Saint-Germain-des-Prés
Délinquance ordinaire aux portes de Paris
Le règne de l’injure et du coup de poing
Vol, mœurs et vagabondage

Deuxième partie
LES CARACTÈRES DE LA VIOLENCE PARISIENNE

Chapitre 5: Sociologie des criminels parisiens

1. La place de la jeunesse
Jeunes et vieux
Marié(e)s et célibataires
Entre «compagnons»
2. L’identité par le métier
Les privilégiés et les autres
Le monde du travail parisien
Hiérarchies corporatives
Métiers féminins: entre silences et stéréotypes
3. Parisiens et étrangers
Migrants, déracinés, criminels?
Le citadin et le rustique: incompréhension réciproque et xénophobie au quotidien

Chapitre 6: Les théâtres de la violence168

1. Le temps de la violence
Voici le jour et l’heure du crime
Les saisons et les jours de la violence
Entre 4 et 10, l’heure du crime
2. Les murailles pour horizon: localisation des crimes
et mobilités citadines
Parties de campagne
Prendre l’air aux portes de la ville
Violences au cœur du faubourg Saint-Germain-des-Prés
Entre les murs: topographie de l’homicide pardonné à Paris
3. La rue, «espace de vie épaisse»
Quand la rue résiste à l’urbanisme moderne
La rue en partage
À propos d’un espace original: l’espace fluvial parisien au xvie siècle
4. Tavernes parisiennes sous contrôle
La culture urbaine de la taverne
Cabaretiers et ordre interne
Jeux de paume, «tripotz» et jardins
5. «Sors, il fault que je te tue!»: préserver l’espace domestique
Manières d’habiter: entassement et promiscuité
Petites querelles entre voisins et intolérables empiètements

Chapitre 7: Un langage relationnel: rituels de l’agression
et conduites de l’honneur

1. Gestes injurieux: offenses aux «territoires du moi» et culture des apparences
Couvre-chef, cheveux et barbe: le poil d’honneur
La fraise et le masque: distinction sociale et culture des apparences
Souillures: la conception de l’immaculé
2. «Injures attroces et scandaleuses»
Le poids des injures sexuelles
L’ingrédient essentiel: le public
Une réponse obligatoire à l’injure: le démenti
3. Blessures d’honneur
Dignité et conflits de préséances
Renommée et «bruit public»
L’honneur des femmes, un bien collectif
Modèle chevaleresque et honneur nobiliaire
4 Sauver la face: au fil de l’épée ou devant le juge?
«Je te mettrai les tripes au soleil»: la détermination à tuer
L’engouement parisien pour le duel
Réparation d’honneur en justice et pacification des mœurs

Troisième partie
LES ACTEURS DU CONTRÔLE SOCIAL

Chapitre 8: Le contrôle formel de la rue: «exploits»
et déboires du sergent

1. «Une infinité de conqusions, emprisonnemants, enlevemant
et transports de biens»: le personnel de justice en faute
Sergents délinquants
Moralisation et discipline des comportements policiers
2. Exercer main-forte
Le sergent, une figure familière
«N’y a-t-il point yssy de sergent?»: sergents et habitants
face au danger
Excès et rébellions à justice: les modes de résistance aux sergents
3. «Les sergents n’y sont pas les bien venuz»:
des ordres concurrents
«Qui vous a faict si hardy d’entrer ceans en la maison
d’ung prince?»: le cas des résistances aristocratiques à la justice
Ordre familial, professionnel et communautaire
Résister aux «mangeurs du peuple»

Chapitre 9: Le prétoire, tribune de la rue

1. Pourquoi porter plainte?
«Composer» et «moyenner»: le rôle de l’infrajustice
Le jeu du pluralisme judiciaire
2. Sociologie du recours judiciaire
Qui sont les procéduriers?
La défense de l’honneur des gens de «quallité»
Plainte et «civilisation des mœurs»
3. Les règles de l’art
Plaintes en noir et blanc
Mobiliser son camp: le rôle des témoins
L’accusé: des marges de manœuvre étroite
4. Exclure ou réconcilier?
L’arsenal pénal germanopratin
La pénalisation du vol: une justice attentive aux circonstances
Du coût des coups
Restaurer l’ordre conjugal et la morale publique

Chapitre 10: L’ordre communautaire:
les mécanismes internes de la régulation sociale

1. Le maître, autorité paternelle de substitution
La jeunesse urbaine dépendante et encadrée
Conflits d’autorité à l’atelier
La confiance trahie: le larcin domestique
2. La société des voisins
Le principal locataire: responsabilités et pouvoirs dans la maison
Aux frontières de l’intime
Le voisinage, outil du contrôle social
3. «Par les putains il advient bien du mal»: communauté
et ordre moral
«Se faire voir à tous venans et gagner sa vie à la sueur de son corps»:
la prostitution aux portes de Paris
Justice et habitants en lutte contre les bordels
La communauté face au danger des bordels
durant la «Grande Peur» de 1610

CONCLUSION

Le silence des armes
Une criminalité ordinaire?
L’air de la ville rend doux
Paris, matrice de la civilisation des mœurs
et de l’ordre public moderne

Pièces justificatives
Sources
Bibliographie
Tables des plans et cartes
Tables des tableaux et graphiques

Violences et passions dans le Paris de la Renaissance – Diane Roussel 2012