Parutions à venir

29 août 2025

Daniel Fleury aimait citer ces phrases de Kafka : « je ne suis rien d’autre que littérature ». « Tout ce qui ne concerne pas la littérature, je le hais ». Or, la littérature, idole faillible, ne manque pas de tromper son dévot d’une manière incompréhensible avec le tout-venant de ses adorateurs : il en ressent de l’amertume. Quant à  son « église », il la juge, à bon droit, plutôt désespérante : ses prêtres (les éditeurs), ses théologiens (les théoriciens, les critiques), ses fidèles (les lecteurs, les amis même), n’ont de cesse de vous faire diversement sentir que vous êtes inexistant.

En 2015, ce sentiment de déréliction fut assez fort pour que l’écrivain cherche à en rendre compte par des Carnets. Ce ne sera pas sans force péripéties, sans un retournement heureux de situation (la parution en 2019, chez Champ Vallon, de La poursuite en péniche du lac migrateur) ni sans un affrontement sans fin avec un autre malin génie littéraire : l’alcool. Cependant, le pli une fois pris de cette expérience intérieure tardive, Daniel Fleury s’y tint, essayant des diverses manières de la pratiquer (réflexive, polémique, anecdotique, lapidaire, cocasse) en artiste impénitent. Et cela simultanément à l’écriture d’un dernier roman (Zoltan Zékator et Joseph Staline mangent des artichauts, Champ Vallon, 2024). Il n’attendit même pas que cette œuvre connaisse ce qu’il appelait « une existence typographique » pour aller reposer, on l’espère enfin en paix, dans le sein de sa divinité jalouse.

 

Daniel Fleury a publié chez Champ Vallon La Poursuite en péniche du lac migrateur (2019) et Zoltan Zékator et Joseph Staline mangent des artichauts (2024).

12 septembre 2025

Ce livre propose une histoire de la corruption, telle que les Français l’ont perçue et comprise, quelquefois en recourant à des pratiques dissimulées d’intérêts et de pouvoir, plus souvent en la dénonçant et en la condamnant, des années 1750 aux années 1950. Or, comme l’on s’en doute, les pratiques ont varié d’une période à une autre, ainsi que les réponses apportées à ce qui était considéré comme un problème de moralité collective. Pour le dire autrement, il n’y a pas une corruption immuable dans l’histoire de France, mais bien un ensemble de questions qui ont évolué au fil du temps, comme en témoignent les sens changeants du mot lui-même.

 

Spécialiste d’histoire politique de la France, et en particulier des phénomènes de complot, de corruption, de patronage et de clientélisme, Frédéric Monier a notamment publié Corruption et politique : rien de nouveau  (Armand Colin, 2011) et Léon Blum, la morale et le pouvoir (Armand Colin, 2016).La corruption publique en France: XVIIIe-XXe siècle

17 octobre 2025

En décembre 1944, le Conseil national de la Résistance décide de la tenue d’États généraux de la Renaissance française à Paris du 10 au 13 juillet. Les comités départementaux de Libération doivent préalablement organiser des assemblées communales chargées d’élaborer des « cahiers de doléances », empruntant à 1789. Leur objectif : permettre une appropriation collective du programme du CNR, proposer à leur échelle des déclinaisons concrètes d’une « véritable démocratie économique et sociale » et s’attacher aux questions sociétales et macro-politiques qui se sont précisées ou ont émergé depuis la Libération. Les synthèses départementales et des centaines de cahiers communaux conservés par Louis Saillant, alors président du CNR permettent une plongée dans la France de 1945 et ses aspirations.

 

Danielle Tartakowsky est professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université Paris 8. Spécialiste de l’histoire sociale et politique en France au XXᵉ siècle. Elle est chercheur associé au Centre d’histoire  social des mondes contemporains (Paris I).

 

La souche que l’on mettait jadis au feu pendant la messe de minuit, la vraie « bûche de Noël », a été considérée pendant très longtemps comme l’un des objets magiques les plus puissants et les plus répandus dans une grande partie de l’Europe. Avant son déclin au XIXe siècle, sa transformation en dessert et sa quasi-disparition au profit du sapin, elle guérissait les hommes et les animaux de tous les maux, protégeait de la foudre, repoussait les sortilèges et aidait les cultures à être fructueuses.

Pour percer le mystère de la bûche, il faut retrouver la magie de l’entre-deux qui caractérise le Noël rural d’antan, celle d’une période solsticiale intermédiaire, qui se concentre à minuit ou à un carrefour. La bûche et le gras offre une plongée dans un univers à première vue très étrange, où les œufs pondus, la fleur de fougère, les chandelles ou même la graisse du bouillon captaient une puissance magique dont la nature est irréductible aux schémas savants ou aux christianismes institutionnalisés. Un univers très étrange, à première vue seulement : car dans ce qui porte chance ou malheur aujourd’hui, dans nos formules de politesse ou dans les cadenas d’amour accrochés aux ponts, les mêmes processus sont toujours à l’œuvre. Ils montrent que notre monde n’a pas tout à fait fini d’être magique.

 

Docteur en histoire, Anton Serdeczny est actuellement chercheur au Medici Archive Project à Florence. Il est l’auteur de Du tabac pour le mort. Une histoire de la réanimation (Champ Vallon, 2018).

7 novembre 2025

Le massacre de la Saint-Barthélemy (1572), dès ses lendemains, devint un objet d’histoire conflictuelle. S’opposèrent des historiens catholiques ou protestants qui cherchèrent à expliquer comment un crime d’une telle intensité avait pu se produire à contre-sens d’une concorde orchestrée par le roi Charles IX. Il ne s’agissait que d’un début puisque, depuis ce temps, se sont multipliées les histoires d’un événement qui est toujours apparu comme une violence inouïe et qui fut donc façonné selon des narrations antagonistes obéissant aux enjeux religieux, politiques, ou idéologiques immédiats.

La Saint-Barthélemy est, dans ce livre, scrutée comme une hantise française constamment projetée dans des passions se succédant les unes aux autres. Une hantise qui n’est pas sans laisser transparaître l’angoisse d’une vérité historique, certes instrumentalisée, mais peut-être pour toujours introuvable…

 

Professeur émérite d’histoire moderne à l’université de Paris IV-Sorbonne, spécialiste des guerres de Religion et des pratiques de violence à la Renaissance, Denis Crouzet a construit une œuvre essentielle, de ses Guerriers de Dieu (Champ Vallon, 1990) à  Paris criminel. 1572 (Les Belles Lettres, 2024), en passant par Le XVIe siècle est un héros. Michelet, inventeur de la Renaissance (Albin Michel, 2021) et Christophe Colomb. Héraut d’une apocalypse (Payot, 2006).

21 novembre 2025

On dit souvent qu’on connaît moins bien les fonds marins que les différentes faces de la lune, mais que sait-on de leur histoire ? Comment ont-ils été découverts, explorés, exploités, appropriés et transformés au cours des siècles passés ?

Alors que la pollution plastique touche désormais les fosses abyssales, que les projets d’extraction minière profonde se multiplient et que s’ouvrira bientôt à Nice une Conférence décisive des Nations Unies sur le devenir de l’océan, cet ambitieux ouvrage collectif croise histoire, sociologie, anthropologie et droit pour tenter de restituer aux environnements sous-marins un peu de leur profondeur historique. De la pêche des huîtres perlières dans les Caraïbes du XVIe siècle aux habitats sous-marins destinés à abriter l’homo aquaticus au temps de la Guerre froide, en passant par la colonisation verticale du Maghreb à la fin du XIXe siècle, ces études apportent un éclairage inédit sur les interactions de longue durée entre les sociétés humaines et les fonds marins.

 

Romain Grancher est historien et chargé de recherche au CNRS. Il est l’auteur de La mer en commun. Une histoire par en bas du monde de la pêche (Dieppe, XVIIIe-XIXe siècle)  (Éditions de la Sorbonne,  2025) . Solène Rivoal est historienne, maîtresse de conférences à l’Université d’Albi . Elle a notamment publié Les marchés de la mer. Une histoire sociale et environnementale de Venise au XVIIIe siècle, aux éditions de l’École française de Rome en 2022.

Textes de Lino Camprubi,  Christophe Camus,  Fabien Clouette, Fabien Locher,  Nelo Magalhães,

Beatriz Martinez-Rius, Tania Navarro-Rodriguez, Postodoctorante Pascale Ricard, Hugo Vermeren, Maria C. Villarin, Molly Warsh.

21 novembre 2025

« Ô saisons ! »

Il n’est pas d’affinité a priori de ce siècle de l’histoire qu’est le xixe siècle avec la logique « saisonnière ». Mais comme la France reste plus qu’à demi paysanne et que le calendrier grégorien rythme de nouveau le temps, passée la césure révolutionnaire, la ronde des saisons continue d’y tourner, branchée sur les rythmes astronomiques, météorologiques, agricoles et religieux. Pourtant, une scission tend à se faire, à mesure que le siècle s’écoule, entre temps campagnard et temps provincial d’une part, temps urbain de l’autre. Aux uns, le rythme immémorial du labeur champêtre, serf de la météorologie, aux autres les saisons éphémères de la mode et le nomadisme d’été puis d’hiver qu’entraine « l’avènement des loisirs », tandis que calorifères et serres urbaines invitent déjà à conclure : « Il n’y a plus de saisons. »